Une première vague de métropoles ont été labellisées « French Tech ». Mais en quoi consiste ce label ? Quels en sont les enjeux ?
« L’initiative French Tech prend son envol ! Lancée il y a moins d’un an, elle a suscité une mobilisation extraordinaire partout en France. Les talents des entrepreneurs qui font et portent la French Tech sont enfin reconnus » s’est satisfaite Axelle Lemaire, secrétaire d’État au Numérique, à l’occasion de la remise des labels le 12 novembre dernier.
Aix-Marseille, Bordeaux, Grenoble, Lille, Lyon, Nantes, Montpellier, Rennes, Toulouse sont les premières métropoles à décrocher le label.
Brest, Caen, Nancy-Metz, Nice-Sophia Antipolis, Rouen, Saint-Étienne et Toulon, Strasbourg-Mulhouse, villes candidates, n’ont pour l’instant pas été retenues. Elles peuvent représenter leur dossier et renouveler leur demande ou s’associer avec des métropoles labellisées.
Le label « French Tech » décerné pour un an, avant une confirmation valable pour trois années, permet de bénéficier à partir du 1er janvier 2015 des crédits du fonds d’investissement de 215 millions d’euros à travers le programme d’investissements d’avenir (PIA) géré par la Caisse des dépôts et consignations (CDC). BPIFrance drainera ces fonds en co-investissements dans des structures d’accompagnement avec des fonds privés pour aider les start-up à se déployer mais aussi de plus grandes entreprises… L’ambition est de faciliter la création d’un réseau d’écosystèmes dépassant les logiques territoriales ou de secteurs d’activités. 15 millions d’euros sont également disponibles via Ubifrance pour un développement vers l’international. Ce label offre aux collectivités l’opportunité d’accélérer leurs projets de développement en concentrant, formalisant et valorisant leurs actions à l’échelle locale, nationale et internationale. L’ambition de la French Tech est de positionner la France comme acteur incontournable de l’innovation sur la carte du monde.
Un cahier des charges pour le label
L’enjeu est important. « 78 % des entreprises cotées dans le secteur numérique sont américaines, 2 % seulement européennes, ce qui n’est absolument pas représentatif de la place de nos industries dans l’économie mondiale ! Il est urgent d’agir, en adoptant une stratégie industrielle comme nous en avons eu dans d’autres secteurs, par exemple l’aéronautique, visant à créer les conditions d’émergence d’acteurs économiques de cette envergure. Il nous faut aussi identifier les secteurs de croissance future, comme les objets connectés, le “big data”, la cybersécurité, la e-santé, la e-éducation, les logiciels embarqués, les services “sans contact”… » alertait Axelle Lemaire devant les sénateurs le 12 novembre dernier
En attendant le projet de loi sur le numérique annoncé depuis deux ans et prévu au premier semestre 2015, l’initiative « French Tech » créée et lancée le 29 janvier 2014 par Fleur Pellerin et relayée par Axelle Lemaire vise à fédérer les acteurs autour d’un projet commun pour favoriser l’innovation et le développement économique et social avec comme trait d’union, le numérique. La demande de labellisation est ouverte de manière permanente et les candidats peuvent ainsi se manifester à tout moment, à condition de répondre aux critères établis dans le cahier des charges disponible sur le site www.lafrenchtech.com. Trois objectifs sont visés : mobiliser les territoires, développer des programmes opérationnels pour propulser rapidement les entreprises vers les marchés et créer des espaces urbains et infrastructures en faveur des structures innovantes.
Une deuxième vague de métropoles labellisées pourraient être prochainement annoncée.
Qu’en pensent les premiers labellisés ?
« Ce label, c’est une immense satisfaction pour les acteurs de notre métropole, et pour tout le territoire. La French Tech Rennes, c’est avant tout un projet collectif » s’est satisfait Emmanuel Couet, président de Rennes-Métropole. La French Tech Rennes, qui a été rejointe par les territoires hors métropole de Saint-Malo, de Vitré et de La Gacilly, devrait ainsi développer la production et la diffusion de contenus audiovisuels, la cybersécurité dans les secteurs civils et militaires mais aussi les outils numériques dans le domaine de la santé et la médiation urbaine. « L’effet lié au label va créer un effet de bannière permettant une lisibilité du savoir-faire de nos entreprises lorsqu’elles vont aller chercher à conquérir des marchés au plan national ou surtout au plan international. Par ailleurs, il y aura des moyens publics dégagés par le gouvernement en co-investissements pour aider les entreprises du territoire à se développer. Ce ne sont pas des subventions publiques mais des apports en capital pour que les entreprises puissent poursuivre leur développement » affirme Emmanuel Couet.
Pour la métropole voisine Nantes, « cette labellisation met en évidence la fertilité de notre terreau économique et le dynamisme de notre écosystème numérique » explique Johanna Rolland, maire de la ville de Nantes et présidente de Nantes-Métropole. Nantes Tech se concrétisera par la mise en place d’actions autour de trois axes structurants. Le premier est de continuer le développement de l’île de Nantes avec la mise en place du « quartier de la création ». Sur 15 hectares, cet espace a pour objectif de faire émerger un pôle d’excellence européen dans le domaine des industries culturelles et créatives. Artistes, enseignants, chercheurs, bénévoles, entrepreneurs… pas moins de 10 000 acteurs devraient occuper les lieux à termes. Au sein de ce quartier, les anciennes halles d’Alstom, établies sur 12 000 m2, seront consacrées au numérique.
Le deuxième axe est la rencontre « du numérique avec les filières d’excellence et d’avenir du territoire : Santé-biotechnologie, hôpital du futur, aéronautique-naval-matériaux et énergies renouvelables, usine du futur, industries culturelles et créatives ».
Enfin, capitalisant sur les événements internationaux dans le secteur du numérique que sont Web2day et Digital Week, la métropole vise des coopérations et partenariats mais aussi le développement d’événements liés au numérique, dénombrés à ce jour à plus de 500 par an. Le développement vise à générer 10 000 emplois sur le territoire d’ici les 5 prochaines années.
À Grenoble, la mise en relation pour faciliter les coopérations est un point clé. Un bâtiment de 2 000 m2 au centre ville sera disponible dès 2015 pour accueillir jeunes pousses et grands groupes et augmenter les synergies. Des accélérateurs thématiques visent à booster les entreprises déjà établies pour les faire passer du seuil de 100 à 500 emplois. Pour l’international, les grands groupes de l’informatique, de l’énergie ou de la santé, vont se charger d’accompagner les plus jeunes pour les aider à grandir et toucher de nouveaux marchés.
Dans le Sud
Un peu plus au sud, Bordeaux entend surfer sur cet élan de mobilisation en faveur du label pour capitaliser et accroître son dynamisme. « 1 300 entrepreneurs se sont par exemple mobilisés dans ce cadre à la CCI de Bordeaux au mois d’avril dernier pour soutenir la candidature » se satisfait Bordeaux métropole dans un communiqué. Cet élan « créé par French Tech doit permett re à présent de faire vivre “l’équipe de France” des territoires innovants et d’aller chercher à travers le monde, une nouvelle croissance, par l’innovation et l’excellence ». Le territoire ambitionne des objectifs précis : créer 10 000 emplois, accroître de 50 % le nombre d’établissements de taille intermédiaire, de 70 % celui des TPE et des PME, mais aussi pousser le développement d’entreprises de dimension mondiale. À Toulouse aussi l’engouement est bien présent. « Nous avons tenu dès le lendemain de la labellisation une première réunion d’un comité French Tech avec des ambassadeurs » affirme Bertrand Serp, vice-président de Toulouse-Métropole en charge de l’économie numérique. « À Toulouse, ce n’est pas qu’une volonté politique c’est aussi une stratégie de développement du territoire » articulée autour de trois axes : devenir leader européen des systèmes embarqués, acquérir une place dans l’internet des objets avec le développement du Cloud et du big data, et enfin être un territoire de référence pour l’expérimentation pour conserver les acteurs mais aussi att irer de nouvelles entreprises et investisseurs.
Les collectivités territoriales seront les moteurs de ces expérimentations telles les smartcities avec les centres de recherche et les grands groupes. Plusieurs actions vont être mises en place : le pass French Tech est déjà créé pour favoriser l’accélération des entreprises, des roads show pour inciter les investisseurs à venir, la mise en place des Jeudigital French Tech pour identifier des start-up qui présenteront leur projet devant un jury et parterre d’investisseurs chaque mois à l’occasion de l’opération nationale Jeudi-gital initiée par Axelle Lemaire, secrétaire d’État au Numérique, mais aussi avec l’instauration d’une charte des marchés publics pour faciliter l’accès aux petites entreprises… Le quartier de la gare deviendra également un lieu en faveur des activités du numérique et un autre lieu facilitera le croisement de la recherche sur l’Espace et l’innovation.
À Montpellier, « la French Tech est au coeur de notre développement économique. Le numérique et la santé font partie des piliers de développements stratégiques que j’ai annoncés pour Montpellier-Méditerranée-Métropole. Le rayonnement doit profiter à un bassin de vie, pas à un territoire administratif. C’est pour cela que la French Tech doit rallier toutes les forces vives du pôle métropolitain que nous mettons en place avec les présidents et maires des collectivités voisines » affirme Philippe Saurel, président de Montpellier Agglomération. Cinq axes vont concrétiser le label « French Tech ». D’ici à 2015, le territoire vise a créer une gouvernance numérique pour coordonner les acteurs et catalyser la dynamique de l’écosystème. Le deuxième axe est la mise en place d’une organisation pour coordonner les entreprises et accélérer leur développement pour qu’elles deviennent leaders. Le troisième axe vise à s’appuyer sur deux dispositifs incubateurs locaux pour développer un programme spécifique en faveur du développement à l’international. « Des appels à idées et des concours d’applications innovantes permett ront l’implication de grands groupes à l’échelle d’un pôle métropolitain. Pour le grand public, un grand événement dédié à l’entrepreneuriat verra le jour avec des manifestations extérieures ». La création d’événements constitue le quatrième axe. Le dernier axe vise à faire rayonner le savoir-faire à l’international et favoriser les investissements étrangers sur le territoire.
Du côté d’Aix-Marseille, le territoire mise sur l’effet de levier du label. Là aussi, conformément au cahier des charges de la French Tech, les actions visent à accompagner les jeunes pousses technologiques notamment avec des accélérateurs privés portés par des géants tels que Gemalto, Voyage Privé… Avec ces « parrains », il s’agit également de toucher des marchés nationaux et internationaux mais aussi de favoriser les innovations croisées. Doper l’attractivité est l’ambition pour attirer de nouveaux talents et séduire les investisseurs. « Notre territoire qui accueille le projet mondial Iter est une terre d’innovation. Ce label vient le confirmer en reconnaissant nos atouts. Il est une promesse de développement pour nos entrepreneurs, pionniers du numérique et pour les populations dont la vie, grâce à eux, va changer » analysait Maryse Joissains Masini, présidente de la communauté du Pays d’Aix.
Dans le Rhône
À Lyon, le label permet également de fédérer à travers une stratégie commune des acteurs du territoire permettant une visibilité. D’ici à trois ans, le Grand Lyon a pour ambition d’accompagner 100 nouvelles structures innovantes et de voir naître 15 nouveaux « champions » sur son territoire d’ici à 10 ans. Par ailleurs, des programmes opérationnels facilitant les coopérations et innovations mais aussi la valorisation des produits et services des entreprises vont être mis en place. Les élus et collectivités réalisent des infrastructures propices à l’éclosion des idées et projets avec entre autres, le Pôle numérique LyonVaise, nouveau quartier dédié qui s’étale sur 20 hectares. La halle Girard située dans le quartier Lyon confluence hébergera les futurs champions et la gare de Lyon-Part-Dieu sera un lieu pour l’expérimentation.
Dans le Nord
Pour la métropole de Lille « les enjeux sont majeurs : l’industrie numérique représente aujourd’hui plus de 30 000 emplois dans le Nord-Pas-de-Calais et l’objectif consiste à doubler ce chiffre d’ici 2020. Par ailleurs, grâce à cette labellisation, des moyens supplémentaires (215 millions à l’échelle nationale) pourront être mis à disposition des entreprises dans le but de croître plus vite. Grâce à ce label “French Tech”, les gazelles du numérique vont devenir des championnes internationales ». Les axes de travail visent à amplifier les dynamiques déjà mises en oeuvre, d’augmenter l’attractivité du territoire avec l’accroissement des entreprises et des infrastructures. Là encore, des lieux sont dédiés pour faciliter l’effervescence numérique. Le site EuraTechnologie dispose de plus de 100 ha avec des pôles dédiés à la recherche, à la formation ou l’entrepreneuriat. L’écoquartier des rives de la Haute-Deule ambitionne de devenir un véritable laboratoire urbain d’innovation où les habitants vont devenir contributeurs et pouvoir créer des services adaptés et innovants. Une seconde phase de la FrenchTech va prochainement s’ouvrir pour aller au-delà de ce programme d’attractivité qui permet d’unir avec le numérique les territoires, les acteurs mais aussi de doper les dynamiques endogènes tout en offrant « un visa, une bourse et un guichet administratif aux entrepreneurs étrangers talentueux pour mettre en oeuvre leurs idées sur notre territoire » comme le résume Axelle Lemaire secrétaire d’État au Numérique. « Notre objectif sera de convaincre les grands groupes d’ouvrir l’accès à la commande privée aux PME. Il s’agit là d’un travail de longue haleine qui ne peut se limiter à une seule action et qui doit permettre l’éclosion de nouveaux acteurs, voire des champions du numérique de demain » explique la ministre. Mais avant tout, il s’agit d’accompagner l’ensemble des acteurs au passage au numérique et à l’innovation. Les collectivités ont un rôle majeur à jouer. Faute de quoi, les géants de l’internet s’en chargeront et collecteront les données des citoyens et des entreprises.
Patrice Remeur
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