Les tarifs réglementés du gaz naturel et de l’électricité disparaissent progressivement depuis juin 2014 chez les consommateurs professionnels et institutionnels . Les collectivités sont ainsi concernées et doivent basculer sur un nouveau contrat en offre de marché chez le fournisseur de leur choix avant la date d’échéance prévue par la loi.
Alors que pour l’ensemble des collectivités locales signer un nouveau contrat de fourniture de gaz avait pour date butoir le 31 décembre 2014, il en est autrement pour l’électricité puisque l’échéance est fixée à la fin de cette année soit au 31 décembre 2015. État des lieux à trois mois de la fin des tarifs réglementés
Pour le gaz
La fin des tarifs réglementés de vente (TRV) du gaz, fixée au 1er janvier 2015,
ne s’est pas déroulée dans les conditions les plus adéquates pour les collectivités. Peu de territoires avaient pu anticiper cette nouvelle problématique et les délais se sont révélés généralement bien trop courts pour qu’ils puissent basculer aisément en offre de marché. La question du choix du fournisseur
de gaz ne s’était jamais concrètement posée. Les collectivités étaient liées par contrat avec leur approvisionneur historique — GDF Suez ou un fournisseur local — et n’avaient pas envisagé
jusqu’alors qu’elles devraient un jour effectuer un autre choix. Entre la publication de la loi Consommation
de Benoit Hamon promulguée le 17 mars 2014 et le 1er janvier 2015, les collectivités n’ont, en définitive, disposé que de 9 mois pour amorcer les démarches, comparer, peser et soupeser les différentes
propositions, et ainsi définir leur nouveau fournisseur de gaz. Ce délai n’a, semble-t-il, pas été significativement suffisant puisque bon nombre d’entre elles ont atteint la date d’échéance sans avoir pu choisir un nouveau contrat. Du point de vue strict de la loi, à quelles conséquences peuvent s’exposer les territoires dans cette configuration de deadline dépassée ? Elles peuvent être graves. Le contrat devient caduc et l’alimentation peut être interrompue à tout moment. Toutefois, des offres transitoires ont été mises en place — la plupart du temps avec le fournisseur historique. Elles n’ont toutefois été établies que pour une durée temporaire et compensatoire de 6 mois et au prix fort, les tarifs ayant été revus à la
hausse afin d’inciter les consommateurs à accélérer le processus de changement d’offre. « Concernant le gaz, les TRV ont pris fin en décembre 2014, les collectivités et entreprises ont dû rapidement faire un choix et basculer sur une offre de marché, ce qui a pu demander plus de temps pour certains clients et entraîner la prolongation de l’offre transitoire initialement prévue » confirme Rémy Leroy, directeur adjoint du marché Entreprises et Collectivités chez Engie (ex GDF-SUEZ). Pour les derniers retardataires, une
période de 3 mois supplémentaires a été tolérée. Elle prendra définitivement fin au 30 septembre 2015. À cette date, l’alimentation en gaz sera automatiquement et irrémédiablement coupée.
Pour l’électricité
Tout comme le gaz, la France a prévu dans la loi du 7 décembre 2010 « Nouvelle organisation du marché de l’électricité», dite loi NOME, la suppression des tarifs réglementés de vente dans l’électricité pour les contrats de puissance supérieure à 36 kVA (kilo volts ampères) au 31 décembre 2015. « 220 000 clients d’EDF (professionnels et institutionnels) sont concernés par la fin des tarifs réglementés. Ces clients devront avoir souscrit une offre de marché auprès du fournisseur de leur choix le 31 décembre prochain. Pour les clients qui n’auraient pas réalisé la démarche à cette date, la loi prévoit le passage automatique à une off re transitoire (pour 6 mois). Les clients (et donc les collectivités concernées) peuvent se renseigner sur les offres de marché proposées par les différents fournisseurs » explique la direction d’EDF. L’offre transitoire, telle qu’elle avait été proposée pour le gaz, est bien plus controversée cette fois-ci avec des tarifs contraignants. Les territoires auront donc tout intérêt à avoir fait leur choix avant la date butoir. « Pour l’électricité, les délais sont plus lointains. Les collectivités ont donc la possibilité de mieux anticiper cette bascule et faire un vrai choix adapté à leurs attentes » indique Rémy Leroy d’Engie. Difficile à l’heure actuelle de dresser un bilan de l’état d’avancement réel des
collectivités françaises. En revanche, à en croire divers informateurs, il semblerait qu’une grande majorité des territoires soient désormais rentrés dans les rangs en ayant déjà entrepris la plupart desdémarches voire choisi leur fournisseur. Selon le directeur adjoint du marché Entreprises et collectivités d’Engie : « La plupart des grosses collectivités a déjà fait son choix, ou entamé le processus d’appel d’offres ». La fin des tarifs réglementés, quels véritables enjeux pour les collectivités ?
L’ouverture des marchés de l’énergie représente un vrai défi organisationnel pour les collectivités, quelle que soit leur taille ou leur influence. C’est également pour ces acheteurs publics une opportunité de s’interroger sur leurs consommations et d’optimiser leurs dépenses en matière d’énergie afi n de dégager davantage d’économies en ces temps de disette budgétaire. Cette nouvelle donne sur les tarifs de vente réglementés oblige donc les collectivités à acquérir une connaissance plus pointue sur le sujet en apprenant les caractéristiques du marché du gaz et de l’électricité afin de bien maîtriser le processus d’achat, à identifi er et savoir formaliser leurs besoins en matière d’énergie pour choisir in fine l’offre la mieux adaptée à leurs attentes et nécessités, à s’informer auprès des fournisseurs sur les différentes offres qu’ils proposent et les mettre en comparaison, ainsi qu’à anticiper la fin des tarifs en mettant en place un calendrier opérationnel, compte tenu de l’échéance du 31 décembre 2015. Plus qu’une contrainte légale, cette fin des tarifs réglementés de vente peut être perçue comme une aubaine pour les collectivités qui pourront, en maîtrisant au mieux le jeu, réduire substantiellement leurs factures d’énergie. « La fi n des TRV est une bonne chose pour les collectivités. Si elles négocient bien leur contrat, de façon groupée, elles pourront réaliser d’importantes économies d’échelle » conseille Aurore Gillmann, porte-parole du médiateur de l’Énergie. De son côté, Rémy Leroy d’Engie estime que « la fi n des TRV devrait permett re aux collectivités de réaliser en moyenne 10% à 15% d’économies ». Quelles solutions pour les collectivités n’ayant pas
encore choisi leur nouveau fournisseur d’électricité ? Les collectivités qui n’ont pas encore entamé le processus doivent impérativement s’en préoccuper dans les meilleurs délais. La plupart des territoires vont être soumis au code des marchés publics et vont devoir faire une mise en concurrence via un appel d’offres. L’électricité permet d’assurer le fonctionnement des établissements et infrastructures qui constituent le patrimoine des villes françaises (bureaux, écoles, piscines, stades…). Le choix du nouvel approvisionneur n’est donc pas
à prendre à légère et pour cela, il est nécessaire au préalable de bien évaluer les principaux usages pour « négocier un contrat bien adapté aux besoins » rappelle Aurore Gillmann, porte-parole du médiateur de l’Énergie. Il est primordial pour les collectivités de trouver la meilleure combinaison entre la puissance appelée et la consommation eff ective (en hiver et
en été, le jour et la nuit). C’est justement cette variable qui va jouer un rôle décisif dans la détermination du prix. Contrairement à ce que l’on pourrait penser, l’effet volume sur le prix n’est pas significatif.
Bien définir les besoins en amont
Pour réussir leur appel d’offres, et à la base du cahier des charges qui est communiqué aux fournisseurs, il est essentiel pour les collectivités d’identifi er précisément et formaliser leurs besoins autour de la fourniture d’électricité. Les prestataires peuvent ensuite proposer une offre adaptée. Pour mémoire, les tarifs inférieurs à 36 kVA (tarifs bleus) ne sont pas concernés par la fin des tarifs réglementés de vente. Les collectivités peuvent cependant inclure les sites concernés dans l’appel d’offres.
Les informations qu’il est impératif de se procurer, auprès des services techniques de la collectivité, sont les suivantes :
• Durée du contrat actuel : à quelle date le contrat a-t-il débuté et quelle est sa durée ?
• Identification des PDL (points de livraison) : nom et adresse du point de livraison, référence acheminement (RA), code NAF et SIRET de chaque site
• Tarifs : typologie du tarif (tarif jaune, vert, heures pleines/creuses…)
• Puissance du point de livraison
• Consommation détaillée pour chaque site
À noter que selon l’article L.331-3 du Code de l’Énergie, aucun frais, indemnité ou pénalité ne peut être appliqué lorsqu’une collectivité quitte un contrat au tarif réglementé, quelles que soient
les conditions générales et particulières de vente qui ont été souscrites. Exception faite si la résiliation intervient dans un délai d’un an après modification des puissances inscrites dans le contrat effectuée à l’initiative des consommateurs. Le fournisseur a alors le droit à une indemnité correspondant au montant des primes fixées dues pour l’électricité effectivement consommée.
Respecter une procédure stricte
En fonction du volume de consommation, les collectivités devront recourir à une procédure adaptée (pour les plus petits volumes) ou une procédure formalisée (appel d’offres). Si les petite communes seront plutôt soumises à une procédure adaptée, les villes de taille moyenne, les intercommunalités ou encore les métropoles devront engager une procédure formalisée impliquant,entre autres, des mesures publicitaires. Les éléments clés à prendre en compte dans les propositions des fournisseurs sont notamment la durée du contrat, le
choix du tarif (fixe ou variable), le type d’énergie (renouvelable ou non) et les services associés. « Engie a l’ambition de devenir le premier challenger du fournisseur historique dans le domaine de l’électricité, grâce à des offres compétitives associées à des services énergétiques complets. Pour faire leur choix, les collectivités ne doivent pas uniquement observer le prix. D’autres paramètres comme le choix d’un tarif fixe ou variable, le type d’énergie – renouvelable ou non — ou encore la qualité de la relation client, doivent être pris en compte » précise
Rémy Leroy, directeur adjoint du marché de Entreprises et Collectivités chez Engie.
Savoir différencier le prix intégré et le prix dissocié
Les collectivités peuvent choisir une structure de prix intégré ou dissocié. Le prix intégré regroupe le coût d’acheminement de l’électricité et de la fourniture. Les lignes de facturation couvrent ces deux postes et le fournisseur s’engage sur les deux volets. Il inclut une marge visant à couvrir les évolutions du tarif de l’acheminement. Dans le second cas, il existe des lignes de facturation bien spécifiques pour la fourniture et pour l’acheminement. Alors que le coût d’acheminement est facturé à l’euro près à la collectivité, le prix dissocié garantit, quant à lui, une totale transparence des tarifs. « Dans le cadre de la fin des TRV, EDF propose des offres à prix de marché, adaptées aux profils de consommation de ses clients : durée variable, prix fixes ou indexés… Les collectivités peuvent aussi choisir de se fournir uniquement en énergie d’origine renouvelable pour améliorer leur empreinte environnementale. Au-delà du prix, EDF mise
sur la qualité de sa relation client, et de ses services : outil permett ant aux collectivités de maîtriser et d’anticiper leurs dépenses (via un suivi régulier des consommations), automatisation du traitement des factures, expertise pour identifier et évaluer les besoins énergétiques des territoires et préconiser des solutions adaptées, mise en oeuvre de solutions d’efficacité énergétique… » déclare la direction d’EDF.
Choisir une offre groupée pour faire des économies d’échelle
Dans le cadre de la fi n des tarifs réglementés de vente d’électricité, les territoires, en fonction de leur taille, doivent s’organiser. L’intercommunalité est souvent la solution la plus pertinente pour les collectivités qui manquent de ressources ou de compétences pour formaliser leur consultation. Par ailleurs, l’intercommunalité offre un pouvoir de négociation qui permet de viser des économies d’échelle. Il est conseillé aux communes, notamment les plus isolées, de se rapprocher de leur intercommunalité pour qu’elle leur vienne en aide dans ce processus de bascule à l’offre de marché. Par ailleurs, il est essentiel de bien maîtriser les contraintes calendaires pour réussir son appel d’offres. Il faut compter environ 6 mois pour ce type de procédure.
Liorah Benamou & Shana Levitz