Particuliers, élus, agents des services de l’État… nous sommes tous bénéficiaires directement ou indirectement des service de proximité du Conseil d’architecture, d’urbanisme et de l’environnement (CAUE), dont les compétences contribuent, chaque jour, à l’amélioration du cadre de vie. Son éventuelle remise en cause n’est plus qu’un mauvais souvenir. Mieux encore, les politiques et les spécialistes ne tarissent plus d’éloges à son égard. C’est non sans une certaine fi erté que Joël Baud-Grasset, récemment élu à la tête de la Fédération nationale des CAUE confirme le regain d’intérêt pour cet organisme dont la vocation se résume en quelques mots : informer, sensibiliser, conseiller et former.
Patrimoine, architecture contemporaine, urbanisme, biodiversité, paysage, énergie. Les domaines d’intervention du CAUE sont nombreux. En quoi consistent au juste ses missions ?
Le conseil aux particuliers et aux collectivités locales tout comme la sensibilisation des élus et des agents à la qualité architecturale, urbaine et paysagère, constituent les missions principales du CAUE. Il accompagne et forme ces publics, y compris les scolaires, dans des secteurs en constante évolution. Le CAUE permet la réflexion en amont des projets relatifs au patrimoine et à l’architecture contemporaine, à l’urbanisme, la biodiversité, le paysage ou encore l’efficacité énergétique. C’est aussi ce qui explique sa lisibilité moins facile une fois le projet réalisé. Nous effectuons un véritable travail de terrain. Nous apportons des conseils aux collectivités locales, notamment en milieu rural, qui ne disposent pas d’ingénierie. S’il n’apporte pas forcément des solutions, le CAUE amène ses interlocuteurs à se poser les bonnes questions. Il suffit quelquefois de faire autrement pour construire ou rénover d’une manière plus économique. Un contrat de confiance s’instaure très souvent entre l’élu et le CAUE. 1300 personnes au niveau national travaillent dans les 92 CAUE que compte notre territoire.
La gratuité des consultations pour le bénéficiaire direct est inscrite dans l’article 7 de la loi sur l’architecture de 1977. Le conseil d’administration du CAUE peut également décider que soit demandée une contribution financière au fonctionnement de la structure. Les CAUE sont multidisciplinaires, donc capable d’apporter des réponses adaptées. De par leur vocation, ils interviennent — et sont tenus d’intervenir — sans distinction sur l’ensemble du périmètre départemental dès lors qu’ils sont créés.
Quels sont les différents métiers représentés au sein du CAUE ?
Des architectes, des urbanistes, des paysagistes travaillent au sein des CAUE. Des cartographes, sociologues, anthropologues, écologues ou encore des conseillers énergie intègrent également certaines de nos structures. Cette multidisciplinarité permet un croisement de compétences au service des projets qui nous sont confiés. Un exemple : au CAUE de Haute-Savoie, que je préside, nous avons mis l’accent sur l’architecture du 20e siècle, en réponse à la construction des stations de sports d’hiver dont l’empreinte forte et l’impact paysager ont
marqué nos territoires d’alpages. Mettre en valeur ces sites est notre objectif. Nous devons réfléchir à la manière dont nous allons rénover, demain, ce patrimoine. D’une part pour le rendre confortable et accessible, d’autre part pour qu’il garde son esthétique tout en répondant aux questions d’efficacité énergétique. Apporter une réponse énergétique à un bâtiment en réalisant une enveloppe étanche, c’est possible mais insuffisant. C’est grâce à la complémentarité et la transversalité des nombreuses compétences, présentes au sein du CAUE, que nous trouverons les meilleures solutions. Dans un contexte économique contraint, les réponses sont nécessairement audacieuses et économiques.
Comment la FNCAUE a-t-elle accueilli cet amendement du projet de loi sur la biodiversité qui affirme les compétences du CAUE en matière de valorisation des paysages ?
L’amendement porté par le rapporteur Jérôme Bignon vise à confier explicitement une mission en matière de paysages aux CAUE. Notre fédération s’était mobilisée pour cet amendement que la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable avait adoptée. Nous sommes satisfaits de constater que la loi va pouvoir enfin reconnaître notre
contribution à la réflexion sur le paysage. De la parcelle jusqu’à l’aménagement des espaces publics, nous contribuons à la préservation et à l’évolution des paysages. Avec cet amendement, les CAUE sont désormais reconnus. Avec 130 paysagistes, nous constituons probablement le premier réseau de conseillers indépendants en matière de paysages en France.
De longue date, les CAUE mettent à disposition des données relatives aux paysages et réalisent des atlas du paysage en partenariat avec les directions régionales de l’environnement, de l’aménagement et du logement (DREAL). Ces atlas font un état des lieux extrêmement fin de la trame paysagère et des ensembles de paysages d’une région,mettent en avant les grandes entités paysagères (les zones bâties, les vallées, les forêts, etc.). Une fois ce travail de reconnaissance effectué, nous prodigons des recommandations pour chacune de ces entités paysagères. Il ne s’agit pas de les sanctuariser, mais au contraire, produire des paysages contemporains avec des recommandations bien précises pour chacune de ces entités. Il s’agit de protéger l’identité de chaque région et l’aider à évoluer au regard d’enjeux qui peuvent être économiques, sociaux… Ces documents sont utiles pour les élus, les professionnels
du paysage tout comme pour les architectes et les urbanistes. Il est non seulement légitime mais aussi logique que les CAUE y soient associés car ils constituent eux-mêmes de
véritables observatoires. Ils disposent de nombreuses données sur l’histoire des territoires qu’ils ont capitalisé près de 40 ans.
Un rapport de Frédéric Bonnet, architecte-urbaniste Grand Prix de l’urbanisme, présente le CAUE comme un maillon indispensable de l’aménagement du territoire. Est-ce une réalité ?
Depuis quelques mois, les rapports et les interventions de personnalités se succèdent et montrent un intérêt positif pour les CAUE. Il n’a pas échappé à l’artisan de ce rapport que nos structures,dans les territoires ruraux, aident les élus à redynamiser leur économie, leurs paysages et faire revenir la population dans les bourgs en déshérence. Il présente en effet les CAUE comme des acteurs essentiels.
Il propose même de créer un observatoire des territoires à faible densité dans lesquels les CAUE sont invités à jouer un rôle majeur. Le rapport Bonnet propose de veiller systématiquement à la mise en place des CAUE, favoriser les actions qu’ils mènent en direction des citoyens à chaque fois que cela est possible pour promouvoir les initiatives locales innovantes. C’est important car ils ont un caractère de démonstrateurs. Ils peuvent mettre en scène le courage politique d’un élu qui prend une initiative novatrice au niveau d’un ouvrage ou d’un espace public.
La troisième recommandation de ce rapport propose de renforcer, au sein du CAUE, les compétences en termes de planification pour accompagner le plus en amont possible les collectivités. Ces compétences existent déjà mais il insiste sur l’importance de la mobilisation par les élus de cett e compétence de proximité en amont des projets d’urbanisme. Mais
att ention, il ne s’agit pas de remplacer le privé. Au contraire, nous aidons les collectivités locales à préparer une commande de qualité vers les professionnels privés.
Parler de paysage c’est aussi toucher à l’énergie. Quelles sont vos actions ?
Les CAUE conseillent les particuliers mais aussi les collectivités locales qui se posent des questions sur la rénovation et l’isolation de leurs bâtiments publics. À travers la loi de transition énergétique votée le 6 août 2015, les CAUE entrent dans les codes de l’environnement et de l’énergie. Ils agissent d’une part aux côtés des conseils régionaux et des agences régionales de l’ADEME pour le service d’information des publics. D’autre part, il est recommandé d’utiliser leurs services pour la rénovation énergétique de bâtiments dans le cadre des plateformes locales. Les CAUE se sont emparés de la question énergétique depuis longtemps déjà. L’enjeu étant pour nous d’activer, de plus en plus, le couplage du conseil en énergie et du conseil architectural. Consulter un énergéticien ou un thermicien, c’est une entrée pertinente, certes, mais elle
reste sectorielle. Le conseil sera axé sur le système de chauffage ou le choix de l’énergie. L’architecte va beaucoup plus loin. Il parle d’habitabilité, de confort, de construction, de matériaux, d’exposition. Sa vision amène le particulier ou la collectivité à faire des choix d’énergie mais aussi de type d’isolation ou encore à repenser l’orientation du bâtiment en fonction du climat ou les espaces en fonction des usages.
Quel est votre sentiment par rapport à ce regain d’intérêt pour les CAUE ?
Nous vivons à la fois un paradoxe et une particularité. Le législateur, les assemblées d’élus et les professionnels appellent à renforcer le rôle des CAUE dans de nombreux domaines. Cependant, certains d’entre eux rencontrent des difficultés de financement.
La loi prévoit en eff et que le CAUE soit financé par la taxe d’aménagement mais un trop grand nombre d’entre eux ne la perçoivent pas et sont dépendants d’une subvention du département. Cette taxe est payée par toute personne physique ou morale qui engage un acte de construction. Son taux est voté et la collecte eff ectuée à l’échelle départementale notamment,
pour fi nancer les Espaces naturels sensibles et le fonctionnement du CAUE. Il est donc important que, comme le prévoit la loi, une partie soit aff ectée au CAUE qui assure une mission d’intérêt public. En ce moment, le projet de loi relatif à la liberté de création à l’architecture et au patrimoine est porté au débat. À cett eheure, le texte a bien évolué pour permettre au CAUE de déployer davantage ses missions. La loi devrait reconnaître en effet le statut d’organisme de formation pour les élus, du CAUE. Elle devrait aussi préciser l’articulation entre architecture
et énergie faite par le conseil CAUE. Enfi n, elle reconnaîtrait l’élargissement effectif de la mission conseil aux candidats à la construction, comme portant aussi sur la rénovation et l’aménagement de parcelle. Les débats sur ce projet de loi ont donné l’occasion à certains sénateurs, à l’instar de M. Alain Houpert (Côte d’Or), de témoigner de leur volonté de « défendre les CAUE, qui apportent leur appui aux particuliers comme aux collectivités, dans la conduite de leurs projets. Ils rendent la France belle ».
Propos recueillis par Blandine Klaas