À travers son baromètre de l’accueil et de la relation aux usagers, l’Afnor mesure chaque année depuis 6 ans la satisfaction des citoyens à l’égard des services rendus par les collectivités locales et établissements du secteur public. Une belle occasion d’aborder avec Halimah Pujol, responsable secteur public du groupe, les points forts de nos services publics, mais aussi l’évolution des relations entre les services publics et les citoyens avec, notamment, l’émergence des outils numériques.
Chaque année depuis 6 ans, le groupe Afnor invite toutes les structures délivrant un service public à participer à son baromètre de l’accueil et de la relation aux usagers. Quels sont les principaux enseignements de cette étude ?
Lors des cinq premières éditions, seules les collectivités au sens large pouvaient participer. Cette année, nous avons élargi les conditions de participation à toutes les structures délivrant un service public. Participer à notre baromètre est un acte de courage que je voudrais d’abord saluer parce que les collectivités locales et les services publics craignent depuis toujours les classements et les évaluations ouvertes. Le baromètre audite ou réalise des enquêtes mystères auprès de ces structures publiques selon les modes de contact que peut utiliser un usager, aussi bien les canaux à distance que les canaux directs. La participation étant cependant délibérée et anonyme, il y a eu cet engouement à s’évaluer et se comparer à leurs pairs. Nous constatons en effet, depuis 2012, que les collectivités de toutes tailles participent en nombre, ce qui témoigne de l’importance du sujet.
La qualité de l’accueil et de la relation aux usagers est une préoccupation majeure pour les collectivités locales. C’est le premier enseignement. D’une manière générale, la qualité de l’accueil physique est bien notée. En revanche, des efforts importants restent à faire sur les canaux à distance : un courrier sur deux obtient une réponse en quinze jours et quatre courriels sur dix ne donnent pas lieu à une réponse avant cinq jours. Il est important que les collectivités s’améliorent sur ces indicateurs. Nous constatons par ailleurs que les collectivités situées en tête du classement ont engagé une démarche d’amélioration de leur relation à l’usager ou de leurs accueils et c’est une bonne nouvelle.
Quels sont les points forts des services publics ? La qualité, l’engagement et les compétences des agents du service public constituent le premier point positif. Il est d’autant plus important de le saluer que le contexte actuel de rigueur budgétaire, de réorganisation et de diminution des services publics sur les territoires peut conduire à une certaine démotivation. Or nous constatons plus de 80 % de satisfaction sur la qualité de la compétence des agents qui agrège à la fois la courtoisie, la capacité à orienter, à informer, l’attention à l’usager ou encore la clarté de la réponse qu’il formule. C’est un bon point qu’il faut maintenir à niveau. L’autre point fort concerne la bonne qualité des contacts directs des citoyens avec les services publics. Les collectivités travaillent sur ces canaux depuis longtemps et force est de constater que l’effort paie.
L’envolée du numérique constitue un troisième élément de force. Les progrès constatés sont importants. Je pense que nous allons vivre encore ces prochaines années des ruptures assez phénoménales avec une dématérialisation du service public réclamée par certains usagers, mais il faudra faire attention à maintenir la qualité de service sur les autres canaux de contact. Parce que tous les usagers ne sont pas des internautes avertis et parce que dans les territoires ruraux, le service public permet de conserver un lien de proximité avec les publics les plus éloignés et pour lesquels le contact est primordial. Parmi les points forts, je citerai enfin le canal téléphonique qui excelle parmi les canaux directs.
Quel est l’impact des référentiels de certification Qualiville, Marianne et Accueil service public local sur l’accueil et la relation client ?
Appliquer un référentiel, c’est avoir une démarche globale et transversale sur sa relation avec les usagers. Prenons l’exemple du référentiel Qualivilles délivré par Afnor Certification et révisé tout récemment. Il comprend cinq grandes rubriques qui reprennent les engagements principaux des collectivités : informer, orienter au plus juste, accueillir avec attention, répondre efficacement, écouter pour progresser, organiser les services pour mieux répondre aux att entes. Il amène la collectivité à travailler sur les différents canaux de contact pour avoir une approche multicanal et une approche cross canal du parcours usager. Le référentiel est aussi un outil de management transversal orienté vers la performance. Il fixe des objectifs et assigne des indicateurs. La collectivité organise alors ses processus de manière à pouvoir répondre à ces objectifs et engage les ressources nécessaires. C’est également un outil de conduite du changement parce qu’un référentiel d’engagement de service parle aux clients du service public. Il est plus facile pour les collectivités de transformer les organisations et intégrer tous les bouleversements que le contexte réglementaire organisationnel ou budgétaire impose aujourd’hui en adoptant un référentiel qui a été construit pour elles et avec elles.
Quel est votre avis sur la place de l’Internet dans la relation avec les citoyens ?
Les services dématérialisés facilitent la vie des citoyens sur les actes administratifs les plus simples. En effet, il est agréable de recevoir un acte d’état civil chez soi, sans se déplacer, de prendre un rendez-vous en ligne sans avoir à téléphoner. Cependant, certaines prestations de service requièrent un contact direct. Je pense par exemple à un conseil départemental qui accueille des publics avec des problèmes spécifiques, qui ont besoin d’un contact en face à face et auxquels il faut apporter des réponses adaptées en toute intimité. Pour cette raison, les canaux de contact traditionnels seront toujours importants, voire essentiels. Mais bien entendu, les collectivités doivent adopter des stratégies multicanal différenciées, en fonction de l’off re de services et en fonction des att entes des usagers.
Quelles sont donc les marges de progression pour les services publics à l’usager ? Les canaux à distance sont ceux sur lesquels les collectivités se sont engagées à travailler. Elles vont également devoir travailler sur le parcours de l’usager, en fonction des gammes de prestations de services. Peut-être devront-elles travailler sur la mutualisation de certains services. Aujourd’hui se créent dans nombre de collectivités des centres de contact de type « allo mairie » par gammes de services, pour répondre aux différentes familles de prestations que peuvent demander les usagers. Elles doivent travailler sur cette démarche d’amélioration des accueils de façon plus globale et plus transversale parce qu’aujourd’hui, non seulement les canaux de distribution changent, mais l’offre de services doit être requalifiée. La loi NOTRe et les nombreuses réorganisations qu’elle induit impacte les collectivités et le service public en général. C’est un nouveau défi auquel il faudra faire face.
Avec les objets connectés, les nouvelles technologies de l’information et de la communication, les citoyens seront de plus en plus actifs. Comment voyez-vous évoluer les relations entre les services publics et les citoyens ?
L’intelligence ne doit pas simplement être un apport technologique, mais réellement servir à construire la ville durable et humaine. Elle doit se mettre au service d’une meilleure interactivité entre les citoyens et les services publics. Dans la version 2017 du baromètre, nous allons analyser la part des réseaux sociaux dans l’interaction avec les usagers. Les collectivités en France sont plurielles, les plus grandes d’entre elles ont déjà commencé à travailler sur ces chantiers ; les moyennes et les petites avancent à leur rythme. Nous n’en faisons pas une exigence, mais c’est un critère que nous mesurons parce que nous considérons qu’il a son importance. Aujourd’hui, face à la défiance des citoyens vis-à-vis du monde politique, la meilleure manière de renouer une relation c’est d’apporter un service concret, de faire participer les citoyens à la construction de leur ville et des services dont ils ont besoin.
Quels enjeux la qualité de la relation à l’usager représente-t-elle pour une collectivité ou une administration ?
Le premier enjeu consiste à reconstruire la démocratie citoyenne et pour y parvenir, être à l’écoute des usagers, des habitants et des citoyens est l’un des premiers fondamentaux. Pour bien accueillir, il faut bien écouter. C’est d’ailleurs la raison d’être d’Indiko expérience citoyen, la nouvelle dénomination de notre baromètre Afnor Accueil & Relation aux usagers. La terminologie n’est pas anodine puisque nous allons créer un trophée de la consultation citoyenne. Nous avons souhaité prendre en compte l’aspect plus subjectif de l’accueil en introduisant cette dimension importante qu’est le ressenti, le vécu, l’expérience citoyen. Désormais, le baromètre incite les collectivités à relayer une enquête en ligne pour interroger directement les habitants sur la qualité des services publics sur leur territoire. Un premier prérequis pour améliorer l’accueil et la relation aux habitants.
Le deuxième enjeu est organisationnel. Il est majeur. Avec moins de budget, moins de fonctionnaires, moins de recettes, mais toujours plus d’enjeux en termes d’exigence et d’att ente de nos citoyens, les services au public devront être encore plus performants. Il faudra optimiser les canaux de distribution, certes, mais il va falloir aussi concevoir de nouvelles offres de services, mutualiser, et pourquoi pas recourir au public-privé pour délivrer un service public. Cela suppose de s’interroger sur les missions, le périmètre de prestations de service et la manière dont les collectivités devront distribuer le service. Elles devront se montrer performantes pour rendre le meilleur service possible à l’habitant.
Propos recueillis par Blandine Klaas
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