Vous avez été nommé président de l’Anru par décret du président de la République en date du 5 novembre 2014. Quelles sont vos priorités et vos ambitions pour l’agence ?
François Pupponi : Ma première priorité consiste à terminer le travail déjà engagé depuis 10 ans. Durant cette période, 398 conventions ont été signées avec des collectivités locales, donnant lieu au financement de leurs projets de rénovation. Le système en place est pertinent et efficace, nous devons poursuivre et terminer.
Ma seconde ambition serait de faire en sorte que des familles de niveau social plus élevé viennent s’installer dans les quartiers difficiles. Or, ces populations ne viennent pas parce les quartiers continuent de se paupériser.
Il faudrait également agir pour la création d’emplois. Il est nécessaire de faciliter le développement économique dans les quartiers difficiles, afin d’y amener de l’activité et donc de la vie sur place. Nous y travaillons, avec nos partenaires, dans le cadre du programme d’investissements d’avenir avec l’idée de co-investir dans des projets structurants. Toujours dans cette optique de générer de l’emploi dans ces quartiers, le président de la République a proposé la création d’une agence de développement économique qui soit opérationnelle au moment de la mise en oeuvre du nouveau PNRU, à partir de 2016.
Enfin, il faut mettre en oeuvre une politique de « peuplement », terme utilisé par le Premier ministre. Ce n’est qu’ainsi que nous parviendrons à améliorer la mixité sociale et par conséquent à changer l’image des quartiers populaires. Il faudrait pour cela que les bailleurs, les maires et les préfets gèrent ensemble l’attribution des logements. C’est indispensable.
Quels enseignements peut-on tirer du premier programme national de rénovation urbaine (PRNU) ? Quels ont été les points positifs. Les erreurs à ne pas reproduire ?
Globalement, le premier plan est satisfaisant. Des quartiers ont été profondément transformés, de nouveaux logements mais aussi de nouveaux équipements et de nouveaux commerces ont vu le jour. L’Anru a contribué à améliorer le cadre et les conditions de vie de millions d’habitants. Si l’on peut constater certains manques au niveau de l’activité économique ou de la politique de peuplement on ne peut pas parler d’échec. Aujourd’hui, si nous n’agissons pas pour faire évoluer la mixité sociale, nous réussirons certes la rénovation mais la philosophie et la physionomie des quartiers n’évolueront pas. L’Anru est concernée au premier plan puisque c’est l’Agence qui va construire et rénover le plus grand nombre de logements dans les années qui viennent. Il faudrait une évolution législative pour réviser à la fois la loi Dalo et la loi SRU.
La loi SRU n’est pas effi cace ?
La loi SRU est effi cace pour la construction de logements sociaux. Elle ne l’est pas aujourd’hui pour assurer la mixité sociale. Il faut, par exemple, construire des logements en prêt locatif aidé d’intégration (PLAI). Ce prêt permet de fi nancer les opérations destinées aux ménages cumulant des diffi cultés d’adaptation sociale et de faibles ressources. Il faut faire en sorte que le logement social pour les populations les plus fragiles soit construit dans les communes qui n’ont pas de logements sociaux. Il faut arrêter de concentrer la misère au même endroit. Ces populations doivent être logées dans les villes qui rencontrent le moins de diffi cultés. De même, il faut interdire aux bénéfi ciaires du droit au logement opposable (Dalo) d’être installés dans les quartiers les plus pauvres. Il serait souhaitable que la loi le stipule. Soit le maire le fait, sinon le préfet s’en charge. Il faut être beaucoup plus coercitif qu’on ne l’est aujourd’hui.
Désormais, les programmes de rénovation urbaine sont intégrés aux contrats de ville. En quoi est-ce une avancée ?
L’Anru a financé des projets portés par les collectivités locales, en collaboration avec elles. En parallèle, l’État et les collectivités locales élaboraient les politiques sociales et éducatives à mettre en oeuvre dans certains quartiers sensibles. Il n’existait aucune cohérence d’intervention. Or, dans un quartier, il faut traiter ensemble l’urbain et l’humain. Une des critiques que l’on pourrait faire à la politique de la ville c’est justement qu’elle n’était pas globalisée, donc pas toujours cohérente. En intégrant les programmes de rénovation urbaine aux contrats de ville, nous allons être en mesure d’agir sur un programme défini ensemble, qu’il s’agisse de rénovation urbaine, de politique de la ville, de social ou d’urbain. Ce contrat unique permettra de mobiliser l’ensemble des politiques publiques d’éducation, d’emploi, de justice, de sécurité, de transport ou de santé pour rétablir l’égalité républicaine dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville. La nouvelle étape du renouvellement urbain est indissociable du volet social.
Dans quelle mesure votre expérience de député-maire de Sarcelles peut vous être utile dans le cadre de votre nouvelle mission au sein de l’Anru ?
Être un élu de terrain, l’élu d’une ville et de quartiers stigmatisés classés en zone sensible donne une certaine expérience. Mes 17 années passées à la tête de la mairie de Sarcelles me permett ent de mieux connaître les attentes des habitants. J’ai pris conscience de l’importance des volets économique, social et humain. Si mon expérience est utile, elle ne doit toutefois pas m’entraîner à dupliquer partout ailleurs les opérations de rénovation urbaine réalisées dans ma ville. Il y a certes des thématiques similaires mais la France urbaine est très diverse avec des centres anciens, des quartiers nouveaux, des villes nouvelles et des territoires ultra-marins. Les modes d’action ne peuvent être partout les mêmes. Il faut adapter chaque opération de rénovation aux spécificités locales.
Il existe en France des villes très éloignées du symbole des grands ensembles, où vivent des populations en grandes difficultés. Il s’agit souvent de centresbourgs où se concentrent la pauvreté et les immeubles les plus dégradés. Le panel d’intervention de l’Anru s’élargit aux quartiers anciens.
La loi de programmation pour la ville et la cohésion urbaine du 21 février 2014 a confié à l’Anru la réalisation du nouveau programme national de renouvellement urbain, doté de 5 milliards d’euros. Quels sont les enjeux de ce nouveau programme ?
Le reproche que l’on pourrait faire au premier PNRU est d’avoir disséminé les projets de rénovation sur l’ensemble du territoire. Le nouveau programme de 20 milliards d’euros d’investissements soutenu par l’Anru à hauteur de 5 milliards d’euros permettra d’agir principalement dans 200 quartiers, là où les dysfonctionnements urbains sont les plus importants, en métropole et outre-mer. Ils ont été sélectionnés parmi les 1300 quartiers prioritaires de la politique de la ville. Pour une majorité de villes sélectionnées, il s’agit de mener à terme les opérations de rénovation urbaine. L’objectif est bien de changer l’image de la ville, pas uniquement un quartier. Sont apparus de nouveaux quartiers, en particulier dans des villes moyennes hors Île-de-France, de véritables poches de pauvreté, qui n’avaient jamais été concernés par les programmes de rénovation urbaine. Ils seront pris en compte dans ce nouveau programme.
J’ai bon espoir qu’au bout de 20 ans de rénovation urbaine, le travail soit achevé. Cependant, pendant que la rénovation urbaine s’effectue, il ne faudrait pas que d’autres quartiers se dégradent. C’est le premier voeu que je formule. Dans 20 ans je souhaite que nous ne soyons pas obligés de rénover à nouveau les quartiers sur lesquels nous sommes déjà intervenus. Cela nécessite de la part des bailleurs et des collectivités locales un entretien courant et une gestion urbaine de proximité indispensables.
L’Anru s’est vu confier par l’État le rôle d’incubateur de l’institut de la ville durable. Quelle sera la vocation de cet institut ?
Depuis sa création en 2004, l’Anru s’est forgée une réelle expertise. Dans le cadre du deuxième programme, tout ce qui touche au développement durable sera plus présent. Nous devrons être prêts à adopter encore plus et mieux les nouvelles techniques de construction, les nouveaux matériaux etc. L’État nous a confié la mission de définir ce que pouvait être l’Institut de la ville durable. Nous souhaitons un lieu qui puisse réunir les acteurs publics et privés du logement et de la construction pour imaginer les meilleures solutions de demain pour rénover et construire. Cet Institut est indispensable pour fédérer les initiatives existantes, développer de réelles synergies, pour en susciter de nouvelles. Il doit devenir force de proposition et d’innovation, avec l’ambition, fortement affirmée, de participer à une ville durable et solidaire.
Propos recueillis par Blandine Klaas
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