Entretien avec Bruno Lechevin, président de l’ADEME

Non classé
15 octobre 2015

Quel est le rôle de l’ADEME auprès des collectivités locales ?

L’Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (ADEME) est l’opérateur de l’Etat pour les problématiques environnementales et désormais l’établissement public au service de la transition énergétique depuis l’adoption de la loi de transition énergétique pour la croissance verte l’été dernier. L’agence est le partenaire naturel des collectivités locales pour la mise en œuvre des politiques d’environnement et d’énergie. Nous les accompagnons, nous les stimulons et favorisons la mise en avant de bonnes pratiques. La moitié de nos collaborateurs - environ 450 - sont basés dans les territoires de métropole et d’outre-mer donc au plus près des acteurs de terrain. C’est notre force. Au 1er janvier 2016, un certain nombre de régions seront fusionnées. Nous avons ajusté l’organisation de l’ADEME pour qu’elle soit cohérente avec les nouvelles entités régionales afin de conserver cette proximité. Nous savons que la transition énergétique et écologique se fera d’abord par le terrain et donc par les collectivités.

L’ADEME octroie aussi des aides financières aux collectivités locales

Notre travail d’accompagnement et d’anticipation est certes important, mais nous avons aussi une capacité d’aide financière. Ces aides sont multiples avec des fonds emblématiques comme le fonds chaleur ou le fonds déchets. L’accompagnement financier concerne aussi les politiques de prévention dans la perspective de lutte contre le changement climatique et les politiques d’urbanisme plus durable qui prennent mieux en compte leur environnement.

Quel est le budget de l’ademe ?

Malgré une période budgétaire difficile, le budget de l’ADEME a été préservé. En termes d’engagement, il représente 490 millions d’euros. C’est plutôt positif et en même temps c’est normal. On ne peut avoir adopté une loi de transition énergétique ambitieuse et ne pas s’en donner les moyens. A côté de ce budget, un fonds spécial a été mis en place pour le financement de la transition énergétique, doté pour les trois prochaines années de 1,5 milliard d’euros.

Les budgets des collectivités locales sont en baisse. Le manque de moyens financiers peut-il constituer un frein à la mise en place des actions nécessaires à la protection de notre environnement ?

Dans cette période de restrictions budgétaires où des efforts supplémentaires sont demandés aux collectivités, il existe des perspectives et des capacités de financement. Le fonds chaleur, dont bénéficient directement ou indirectement les collectivités peut les aider à atteindre les objectifs de développement des énergies renouvelables chaleur. Il est désormais complété par le fonds de transition énergétique. Une ligne budgétaire de 5 milliards d’euros de la Caisse des dépôts est également disponible pour les collectivités locales. De nombreuses réalisations sont financées dans le cadre d’appels à projets. L’été dernier, l’appel à projets « territoires à énergie positive pour la croissance verte » a connu un véritable succès. Les collectivités lauréates bénéficient d’un soutien de 500.000 euros, une somme financée par le fonds spécial de transition énergétique. Sur certains projets globaux multi-thématiques, lorsque l’ADEME n’est pas le financeur direct, elle accompagne les territoires dans la préparation de leurs dossiers afin qu’ils soient retenus. Car au-delà de l’annonce et des sommes qu’ils reçoivent, nous souhaitons que les territoires mettent en œuvre une véritable politique leur permettant de contribuer efficacement à la transition énergétique et écologique. Enfin, il ne faut pas sous-estimer l’impact de la prochaine mise en œuvre du contrat de plan Etat-région. La contribution de l’ADEME est significative puisqu’elle représente pour les 6 ans à venir (2015-2020) un financement de 746 millions d’euros pour l’ensemble des territoires, auxquels vient s’ajouter un financement de 904 millions d’euros des Régions elles-mêmes. Ces sommes sont doublées par l’intervention du fonds de l’Union européenne (FEDER). Soit plus de 3 milliards d’euros qui seront entièrement dédiés aux problématiques de transition énergétique. Le programme d’investissements d’avenir peut être lui considéré comme un financement indirect dans la mesure où, par le biais des entreprises, il crée de la valeur économique au travers des appels à projets, soutient des projets d’innovation dans le domaine des énergies renouvelables ou sur les problématiques de mobilité ou encore l’économie circulaire. Et là aussi, ce sont 3 milliards d’euros qui seront investis jusqu’en 2017. Par les temps difficiles l’argent est rare et cher. Cependant, on ne peut pas dire que nous manquons de moyens de financement sur nos problématiques. Ce n’est pas la question principale.

Quels sont les grands enjeux environnementaux auxquels les collectivités locales devront faire face dans les prochaines années ?

Les émissions humaines de gaz à effet de serre induisent un réchauffement global de la planète. La division par 4 des émissions de gaz à effet de serre (facteur 4) à l'horizon 2050 est l’objectif que s’est fixé la France. Agir sur le bâtiment et les transports sont les deux grands enjeux pour atteindre ces objectifs. Le bâtiment représente une part très importante de notre consommation d’énergie (44%). Rappelons que seul 1% du parc de logements anciens est renouvelé chaque année. D’où l’importance de rénover de manière significative le parc ancien à condition que les résultats soient à la hauteur des sommes investies. C’est un enjeu de proximité pour toutes les collectivités. 500.000 logements par an devront être rénovés à l’horizon 2017. Nous devons changer d’échelle et entrer dans une quasi-industrialisation. Pour cela il faut des aides. Un certain nombre de dispositifs existent comme les certificats d’économie d’énergie, les crédits d’impôts, les aides spécifiques pour les familles précaires. Mais seuls, les outils ne suffisent pas. Ils doivent être connus de nos concitoyens et les collectivités ont un rôle important à jouer. Des plateformes de rénovation énergétique sont créées, et d’autres verront le jour, avec comme objectif d’accompagner l’ensemble de nos concitoyens dans un processus de rénovation avec l’appui des collectivités, des financeurs et des entreprises. Nous sommes convaincus que nous réussirons d’autant mieux la transition énergétique écologique que nous l’approcherons de manière globale. Les enjeux sont environnementaux mais aussi économiques et sociaux. C’est l’approche de ces 3 dimensions qui conduira nos concitoyens à se l’approprier. Le second enjeu est lié aux problématiques de mobilité. Nous devons travailler sur la manière dont nous nous déplacerons demain, avec des formes de mobilité douce, de mobilité partagée, avec une capacité à passer d’un transport collectif à un transport plus individuel. Les outils de communication numérique peuvent nous y aider, les smartphones notamment grâce auxquels nos concitoyens pourront se déplacer d’un endroit à un autre dans les meilleures conditions économiques et avec le meilleur impact sur l’environnement en termes de CO2. La aussi, les collectivités auront un rôle à jouer pour que toutes ces problématiques de déplacement puissent être mieux prises en compte. D’ autres enjeux plus globaux nous permettront d’atteindre ces objectifs de développement durable. Je pense notamment à la mise en place de schémas régionaux climat-air-énergie (SRCAE) ou encore à l’émergence de l’économie collaborative. Nous sommes convaincus à l’ADEME que la transition énergétique mise en œuvre dans les territoires fait émerger de la valeur et de la croissance et qu’elle a un impact positif sur l’emploi. Elle doit permettre de faire émerger de nouveaux métiers et être accompagnée par les processus de formation adéquats. Le travail d’information et de pédagogie doit être aussi important que notre capacité à innover. L’action sur les comportements est nécessaire pour atteindre les objectifs très ambitieux de la transition énergétique. L’ADEME s’appuie sur les dynamiques locales car les collectivités ont cette capacité à multiplier les bonnes pratiques.

De quelle manière doivent-elles s’y prendre pour intégrer l’environnement dans chacun de leurs domaines d’intervention ?

Pour réussir et mener à bien leurs politiques environnementales, les collectivités doivent avoir une approche globale et cohérente dans la durée. L’ADEME, au travers de son expertise et son accompagnement, dispose d’outils appropriés pour les aider à prendre conscience de ce qu’elles ont réalisé et du chemin qui reste à parcourir pour atteindre les objectifs de réduction de leurs consommations et des émissions de gaz à effet de serre. Parmi les outils dont nous disposons, il y a les challenges. Cit'ergie est l’un d’eux, un dispositif destiné aux communes et intercommunalités qui s’engagent dans une amélioration continue de leur politique d’énergie durable en cohérence avec des objectifs climatiques ambitieux. C’est notre travail de les accompagner. C’est aussi celui des régions avec lesquelles nous signons des partenariats. Prenons l’exemple du Nord-Pas-de Calais qui a choisi pour dynamique la 3e révolution industrielle. Une multitude d’initiatives de terrain ont été mises en œuvre sur des problématiques d’habitat, de mobilité, de développement des énergies renouvelables… La région a également mis en place un livret d’épargne totalement dédié au Nord-Pas-de-Calais et au financement exclusif de cette opération. Un véritable succès. D’autres projets plus spécifiques ont été engagés, sur la méthanisation notamment, pour donner un espace économique supplémentaire aux agriculteurs qui vivent des périodes difficiles. Nous les accompagnons avec la perspective de développer 1500 méthaniseurs en 3 ans sur le territoire. Une autre région, la Basse-Normandie, a choisi de développer un urbanisme économe en espace et en énergie en accélérant le processus de renouvellement urbain et de rénovation énergétique de l’habitat dans les petites communes de 8 000 à 20 000. La région Picardie a été précurseur en matière de rénovation de l’habitat avec un développement massif de la formation initale pour faire émerger une main d’œuvre qualifiée qui soit reconnue RGE. Ceci dans la perspective de mise en place d’un service public d’efficacité énergétique.

La loi de transition énergétique a été adoptée l’été dernier. Quel a été le rôle de l’agence dans sa mise en œuvre ?

Nous avons été partie prenante sur de nombreuses dispositions de la loi, en particulier les thématiques liées à l’habitat. Cependant, nous avons pris position sur des dispositions plus spécifiques que sont l’indemnité kilométrique vélo, les problématiques d’interdiction de l’obsolescence programmée, le passage à la majorité simple dans les copropriétés, la possibilité offerte aux collectivités d’intervenir sur les sociétés d’énergies renouvelables, le financement participatif ou encore la problématique de lutte contre le gaspillage alimentaire. Sur ce dernier point, il était envisagé dans un premier temps la création d’une agence dédiée. Finalement, c’est à l’ADEME que cette mission a été confiée. Nous avions déjà cette approche au travers de notre direction des déchets. Globalement nous travaillons aussi pour que les décrets et les arrêtés soient le plus opérationnels possible et surtout, qu’ils soient publiés rapidement pendant que la dynamique est encore là. La loi fixe un cadre, une ambition, une volonté mais elle ne fait pas tout. Ce sont les projets portés par les territoires et les collectivités qui apportent les vrais changements.

• La ville durable, peut-elle devenir réalité ?

Il est fondamental de repenser les villes pour qu’elles soient plus durables. Elles concentrent près de 80% de la population et représentent l’essentiel des émissions de gaz à effet de serre (70%). L’idée est de les accompagner dans les domaines qui impactent le tissu urbain, l’efficacité énergétique, la gestion des déchets en passant par la mobilité, la lutte contre le bruit ou la pollution de l’air. L’ADEME porte l’ensemble de ces problématiques y compris en acceptant qu’il faudra construire, demain, des villes plus denses. Attention, « dense » ne signifie pas que les villes soient moins respirables. Simplement, il n’est plus concevable que les populations soient obligées de s’éloigner des centres-villes pour des raisons économiques. Il faut réarticuler la ville avec son territoire, son environnement, y compris prendre en compte les problématiques de mobilité. L’approche environnementale de l’urbanisme est portée au travers d’outils comme l’AUE (approche environnementale de l’urbanisme), les labels « écoquartier » ou « écocité » avec des opérateurs comme la Caisse des dépôts, l’ANRU et les urbanistes. Nous travaillons pour faire émerger, progressivement, cette ville durable.

• A quelques semaines de la COP 21, la mobilisation est quasi générale. Que vous inspire cette manifestation ?

A l’ADEME nous croyons beaucoup à la mobilisation de la société civile. Cette conférence des Nations unies sur les changements climatiques n’est pas qu’une affaire d’Etat, c’est l’affaire de l’ensemble des acteurs de la société civile, au travers de l’agenda des solutions. Toutes les collectivités, les entreprises et les ONG doivent se mobiliser pour faire pression auprès des Etats afin qu’ils s’engagent sur des actions concrètes. Nous souhaitons que leur mobilisation, grâce à la dynamique de la COP 21, soit une pression utile, une contribution positive pour que nos négociateurs se sentent portés par l’action. Nous espérons surtout que le mouvement se poursuivra en 2016 et au-delà, quel que soit le résultat de la COP21. Je suis très confiant dans l’idée que cette conférence internationale soit un stimulant positif pour que demain, encore plus qu’hier, les collectivités, entreprises et ONG prennent en charge ces problématiques pour faire en sorte que notre contribution s’amplifie pour atteindre ce fameux facteur 4. Pour faire en sorte que l’on contribue à cette volonté de construire une société qui demain sera plus durable, avec une croissance plus sobre et qui sera un modèle économique, social et sociétal qui méritera d’être vécu. C’est un beau projet de société qui n’est pas clivant et permet à chacun de trouver sa place dans la société.

L'agenda

RCL
Voir tout l'agenda

Paroles de maires

RCL
Question :
Un maire, donc OPJ, peut-il l’être en dehors de sa commune ?
Réponses :
Non, il est élu OPJ sur sa commune.
Tous les pouvoirs du Maire en tant que représentant de l'Etat ne lui sont octroyés que sur son territoire.
Non uniquement dans la commune où il est élu maire.

Inscrivez-vous dès maintenant sur le groupe Facebook Paroles de Maires pour obtenir des informations quotidiennes sur l'actualité de vos missions.

Copyright © 2022 Link Media Group. Tous droits réservés.