En quelques années, le numérique a fait une entrée fulgurante dans les foyers, et avec la même force dans les finances des communes. Celles-ci ont dû s’adapter et mettre en place des politiques dédiées, avec, à la clé, le déblocage de nouveaux budgets. Aujourd’hui, si les municipalités ont développé de nombreux secteurs liés aux technologies digitales, elles sont aussi en attente de certaines avancées dans les plus hautes sphères de l’État. L’occasion de décrypter les propositions des candidats à la présidentielle dans ce domaine.
Numérique… le mot résonne désormais comme une évidence dans tous les discours. Et pourtant, il y a quelques années encore, si son arrivée commençait à se faire sentir, son importance n’était guère appréhendée avec justesse. Les collectivités locales, même les plus petites, ont dû apprendre en vitesse accélérée les tenants et les aboutissants du 2.0. Une obligation aux maillages et influences complexes impliquant la vie des administrés, mais aussi la survie des communes. Avant d’aider les habitants dans leurs démarches en ligne, il a d’abord fallu familiariser les équipes municipales avec la data.
L’initiative de service public
La première tendance a souvent pris le sens de la mission de service public, avec le développement de dispositifs d’initiation et de formation à l’outil informatique ainsi que la mise à disposition de points Internet. Si cet aspect est toujours d’actualité — il est d’ailleurs inscrit dans les propositions de campagne de Benoît Hamon (PS) et de Jean-Luc Mélenchon (La France insoumise) —, il s’accompagne désormais d’autres actions aux impacts bien différents et tournés sur le plus long terme. Et cela ne signifie pas que le citoyen est oublié, bien au contraire. Comme le souligne Martin Arnout, adjoint au maire en charge de la Ville numérique à Saint-Nazaire, « l’objectif est de rendre la vie plus facile aux usagers ».
Cette idée de simplification est déjà en route dans de nombreux domaines administratifs, avec une promesse faite par la plupart des candidats à la présidentielle : amplifier les actions. L’enjeu pour le leader du mouvement En Marche !, Emmanuel Macron, est même d’aboutir d’ici 2022 à ce que 100 % des démarches administratives se réalisent en ligne. Ses propositions incluent également la création d’un compte citoyen unique, aussi présente dans le programme de François Fillon (LR) sous la forme d’une identification unique.
Le maire de Roubaix, Guillaume Delbar, a quant à lui, une autre attente : le vote électronique : « L’organisation d’élections est aujourd’hui encore quelque chose de compliqué à mettre en œuvre et qui est de la responsabilité des communes. Ce serait un premier signal intéressant de moderniser cette partie ». Une idée reprise par les candidats à la présidentielle, à commencer par François Fillon qui souhaite la généraliser.
Les écoles et l’emploi, domaines d’investissement numérique majeurs
« Il y a de grands discours sur le numérique à l’école, mais ce sont les finances de la Ville qui sont mobilisées », pointe Martin Arnout, très direct lorsqu’il s’agit de l’investissement digital dans les établissements scolaires. Ce domaine a déjà bénéficié des subventions de sa commune : « Nous avons voulu que toutes les écoles aient à peu près le même équipement pour que les enseignants qui le souhaitent puissent utiliser ces nouveaux outils que sont l’Internet, les vidéoprojecteurs […]. Nous allons plus loin que ce que les orientations ministérielles demandent, tout en restant en accord avec les objectifs de l’Éducation nationale. En revanche, nous n’avons quasiment pas d’aide extérieure. Ici, c’est l’investissement issu purement de la Ville de Saint-Nazaire dont il s’agit ».
Cette dépense se poursuit au-delà des seules salles de classe avec une idée : la création de nouveaux emplois. À Saint-Nazaire, l’ouverture d’un campus numérique à l’horizon 2020 focalise les att entions, avec la mise en place d’infrastructures telles que des incubateurs ou des espaces de coworking. Dans d’autres zones territoriales, ce sont les FabLabs, ces nouvelles plateformes de création, qui émergent. Elles s’adressent à un grand nombre d’acteurs, des étudiants en quête de transformer une idée en réalité, comme aux inventifs soucieux de parfaire leurs connaissances digitales. Elles proposent différents outils, des équipements de programmation à l’imprimante 3D, par exemple.
La question de l’emploi numérique et de ses distensions prend un sens bien particulier pour le maire de Roubaix. Tandis que l’un de ses acteurs économiques traditionnels (La Redoute) perdait la moitié de ses effectifs, concurrencé par le digital, un autre grand (OVH) connaissait une réussite exceptionnelle dans ce même domaine. Une évolution dans le paysage économique de la ville qui s’est traduite par la mise en œuvre d’une nouvelle politique de formation professionnelle, avec la création de Simplon, dédiée au numérique. L’objectif est aujourd’hui d’ouvrir les jeunes au numérique et de répondre aux besoins des entreprises. Cette volonté citée par de nombreuses collectivités est reprise par le candidat Macron, au travers d’un ambitieux programme de formation chiffré à 50 Md€ au global, tandis que l’objectif de Marine Le Pen (FN) est d’abord « d’anticiper les évolutions des formes de travail liées aux nouvelles technologies », matérialisé par la création d’un secrétariat d’État dédié aux mutations économiques.
Dans tous les cas, cette bataille de l’emploi passe par une action commune à toutes les municipalités : attirer les entreprises sur leur territoire. Elle implique aussi une autre facette du numérique avec l’accès au très haut débit.
Le très haut débit en discussion de fond
S’il est un sujet qui attise les tensions, il s’agit bien de celui-ci. Le déploiement du Plan France TDH est ouvertement plébiscité par la plupart des candidats à la présidentielle. Pour Nicolas Dupont- Aignan (Debout La France), l’idée est d’assurer l’égalité face au numérique. Jean-Luc Mélenchon prévoit une couverture totale du territoire en 4G au cours des 10 prochaines années. François Fillon pense, lui, déjà à la 5G avec la création d’un plan spécifique. Mais est-ce une réalité de terrain ?
La problématique prend deux formes et concerne tout le pays : l’installation de la fibre optique et l’accès à la téléphonie mobile pour tous. « Il y a 13-14 ans, l’État a fait voter une loi obligeant les opérateurs à couvrir une partie du territoire qui représente entre 60 et 80 % de la population, explique Cédric Szabo, directeur de l’AMRF (Association des maires ruraux de France), mais formellement, cela équivaut à environ 6 % du territoire. L’exigence est faible et le programme est en retard. Aujourd’hui certaines zones ne sont même pas en 2G alors que d’autres sont en 4G et on discute déjà de la 5G pour certains endroits ». À ce jour, ce sont près de 200 communes qui ont été identifiées en tant que zones blanches, c’est-à-dire des territoires sans aucune réception en téléphonie mobile. Sans compter les zones grises qui ne permettent pas d’accéder à tous les opérateurs de téléphonie mobile.
La fibre est aussi au cœur de la question, avec une autre problématique, comme le démontre Martin Arnout au travers de l’exemple de Saint-Nazaire : « Nous sommes dans une zone où nous disposons d’un opérateur imposé par l’État pour le développement de la fibre et pour lequel nous sommes censés ne rien financer. En échange, il doit déployer la fibre d’ici 2020 sur tout notre territoire, ce dont nous sommes de moins en moins sûrs. Nous nous trouvons alors dans une situation paradoxale avec des distorsions de concurrence économique avec des zones rurales qui sont voisines et qui, elles, peuvent intervenir avec l’aide de la région et du département. Sur leurs terres, le déploiement va être plus rapide que dans des espaces urbains comme les nôtres. Entre les deux, les entreprises vont avoir le choix entre une implantation un peu plus lointaine, mais un très haut débit, et un réseau moins performant… ».
Tessa Talon et Liorah Benamou
Un exemple de développement numérique avec Saint-Nazaire
Participer à la révolution digitale est devenu un enjeu majeur. Saint-Nazaire en est un exemple, prenant un virage à 360° en direction de ces nouveaux développements. En décembre 2016, la ville a défini une stratégie numérique qui doit être déployée au cours des prochains mois. Celle-ci fixe plusieurs priorités dans une politique de service public plus que jamais mise en avant. Faciliter le bien-vivre ensemble, développer les usages pour tous ou encore encourager les initiatives en font partie et la généralisation des démarches en ligne en est l’un des objectifs. Si cela concerne les citoyens, l’idée va encore plus loin, tournée vers les associations et les entreprises. Pour exemple, le projet prévoit le déploiement, au cours du premier semestre 2017, de la dématérialisation des demandes de subvention.
La commune a également fait le choix du numérique dans sa forme éducative et culturelle. La médiathèque s’est ouverte au numérique avec la dématérialisation de multiples supports consultables à distance. Les bibliothèques se dotent progressivement de tablettes et de nouveaux espaces, sous la forme de salons de lecture numérique. L’innovation va également franchir un autre cap au cours des prochains mois avec l’ouverture programmée pour fin 2017 d’un espace dédié aux jeux vidéo. « Le but est de permettre à tout le monde d’accéder à la culture », précise Martin Arnout, adjoint au maire et chargé de la Ville numérique.
Pour les plus jeunes, la ville a aussi parié sur l’avenir au travers d’un partenariat avec IBM. Codage et robotique sont au programme de séances ludiques en dehors du temps scolaire avec une idée : permettre aux enfants de s’acculturer peu à peu aux outils numériques pour prendre dès à présent le train des nouvelles technologies.
Le développement du numérique dans les collectivités, une priorité sur plus d’un point
Les priorités des communes évoluent progressivement en matière de numérique, comme le montrent les baromètres « Ville numérique » publiés par Syntec Numérique. Si les efforts de développement étaient majoritairement tournés vers la qualité des services aux administrés lors des études de 2013 et 2014, c’est l’attractivité qui l’emportait en 2015. Une orientation qui concernait d’abord, pour 91 % des communes interrogées, les entreprises. Ce choix demeure une priorité, comme le souligne Martin Arnout, adjoint au maire et chargé de la Ville numérique à Saint-Nazaire : « Toutes les agglomérations ont pour objectif d’attirer les entreprises, pour que le tissu économique se diversifie, se développe. Le numérique occupe alors une fonction importante du fait de sa forte croissance, avec l’idée de capter de nouveaux emplois. » Ainsi, le numérique devient plus que jamais un « accélérateur du développement économique ».
La qualité des services aux administrés reste une action majeure dans la transformation digitale des municipalités. Répondre aux attentes des usagers en est l’une des orientations. En cela, la plupart des communes et agglomérations ont créé des plateformes Internet regroupant tous les services pratiques pour les administrés, accessibles à tout moment, sans nécessiter de se rendre à un guichet. Cette évolution vaut pour de nombreux services publics et tend à se développer, que ce soit pour effectuer les formalités simples comme la demande d’un acte de naissance, ou pour payer la cantine scolaire, entre autres.
Enfin, les projets les plus souvent mis en avant concernent l’éducation, l’accès en ligne aux documents administratifs et urbains (les PLU, notamment) et le développement économique avec le déploiement de la fibre. Une autre action est sélectionnée par de plus en plus de municipalités : la mise en place de plateformes d’information concernant les transports publics. Paiement du parcmètre via Internet, information sur les horaires des transports en commun ou visibilité en temps réel des places de parking disponibles sont quelques-unes des orientations actuelles.
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