Les aides publiques aux entreprises ont permis de sauver, au moins temporairement, un très grand nombre d’entreprises dont certaines n’auraient pas survécu, notamment celles des secteurs du commerce, les plus touchées. Mais si la protection de l’État pour absorber le choc Covid‐19 a été efficace, sans réduction drastique des dettes, l’année 2021 pourrait se montrer bien plus meurtrière, selon la dernière étude du Conseil d’Analyse Economique : « Les défaillances d’entreprises dans la crise Covid‐19 : zombification ou mise en hibernation ? ». Explications.
Alors que la crise sanitaire ralentit la marche des affaires, les défaillances d’entreprises sont, paradoxalement, en forte diminution (– 29 % pour les PME) à la mi‐novembre 2020 par rapport à 2019. C’est ce révèle une étude récente « Les défaillances d’entreprises dans la crise Covid‐19 : zombification ou mise en hibernation ? » menée par Mathieu Cros, Anne Épaulard et Philippe Martin* pour le Conseil d’Analyse Economique (CAE). Mais qu’en est-il pour les commerces au sens large (par exemple, les concessionnaires automobiles, les restaurants ou les coiffeurs, les salons de beauté ou les services funéraires) alors que la crise sanitaire les a particulièrement exposés, notamment ceux qui n’entrent pas dans la catégorie « première nécessité » ? Dans ce secteur, le taux de défaillance de mars à octobre a été de 0,44 % en 2020, alors qu’il était de 0,65 % sur les mêmes mois de 2019, soit une baisse de près de 33 % des faillites d’entreprises.
Alors comment expliquez une telle résistance ?
D’abord parce que le choc Covid‐19 a été très hétérogène en fonction des commerces : si l’on mesure le choc par la variation de dépenses de cartes bancaires entre 2020 et 2019, certains ont été très touchés (les restaurants par exemple) et d’autres beaucoup moins (les épiceries par exemple). Ensuite, parce que les aides des pouvoirs publics ont permis d’amortir la chute brutale de l’activité. « Si l’État n’était pas venu en aide aux commerces les plus affectés par le choc, on aurait pu s’attendre à ce que l’ampleur de la baisse des dépenses de cartes bancaires (de – 61 % pour les agences de voyages, de + 23 % pour les bureaux de tabac et de + 18 % pour les boulangeries), soit le facteur le plus important pour prédire le risque de défaillance. Or, les aides publiques ont très fortement absorbé l’impact du choc Covid‐19 sur le risque de défaillance, preuve, qu’elles ont été efficaces » expliquent les auteurs.
Et pour 2021 ?
Est-ce que pour autant, le risque de tirer définitivement le rideau s’éloignera lorsque la crise sanitaire disparaîtra ? La réponse des auteurs est non. En effet, « ce sont les faiblesses individuelles (faible productivité et dette élevée) qui prédisent le mieux (comme en 2019) son risque de défaillance ».
En d’autres termes, si les interventions publiques pour aider les entreprises ont permis de sauver, au moins temporairement, un très grand nombre d’entreprises dont certaines n’auraient pas survécu même en année normale, leur survie reste suspendue à leur niveau d’endettement qui pour bon nombre d’entre-elles pourraient exploser en 2021.
En considérant que la hausse des faillites à attendre dans le secteur du commerce à partir de 2021 serait la somme de trois effets : le rattrapage des défaillances « normales » qui n’ont pas eu lieu en 2020, la baisse de l’activité en moyenne sur la période 2020‐2021 et enfin le surcroît de dette que les entreprises auront accumulé, dans les secteurs les plus touchés, l’accumulation de dettes et la baisse d’activité pourraient aboutir à une forte augmentation (+ 26 % environ) du risque de défaillance à partir de 2021. À cela s’ajouterait le rattrapage « normal » des défaillances qui n’ont pas eu lieu en 2020 et qui ne devra pas être interprété comme un échec de la politique de soutien aux entreprises.
« L’enjeu pour 2021 sera de réduire l’excès de dettes contractées pendant la crise à la fois auprès de l’État et des créditeurs privés » concluent les auteurs
* Respectivement : Université Paris Dauphine et France Stratégie ; Université Paris Dauphine et France Stratégie ; Sciences Po et Conseil d’analyse économique (CAE). Ce Focus est publié simultanément comme « point de vue » sur le site de France Stratégie.
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