Ces monnaies locales qui assurent le développement économique

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11 septembre 2014
Des associations et des collectivités locales ont trouvé dans les monnaies complémentaires un outil d’entraide, voire de développement économique. Encore aujourd’hui à l’impact réduit, ces initiatives pourraient devenir demain un véritable moyen de financement de l’économie réelle.
 
L’année 2014 marque un tournant pour les monnaies complémentaires. Jusque-là souvent créées pour répondre à des aspirations éthiques et solidaires sur de petits périmètres, elles deviennent aujourd’hui de véritables outils de développement de l’économie locale. Deux projets phares devraient marquer l’année 2014, Sonantes à Nantes et le CIEDES qui vise l’Europe. Quelques collectivités locales ont décidé de soutenir les initiatives locales.
 

Monnaies locales, monnaies complémentaires, ces termes interpellent peu encore les Français loin de s’imaginer qu’il existe une alternative à l’euro. Pourtant, les créations de monnaies complémentaires fleurissent partout dans le monde et notamment en Europe depuis les années 80. L’Euro-res, inventé par Walther Smets, circule en Belgique depuis près de 20 ans. Adoptée par 100 000 utilisateurs, acceptée totalement ou partiellement dans 5 000 entreprises, elle génère 30 M€ de transactions par an. En Suisse, par exemple, le Wir cohabite depuis 1934 avec le franc suisse. Il est utilisé par 60 000 entreprises helvétiques dans leurs transactions courantes. En Allemagne, une trentaine de monnaies complémentaires sont en cours dans les Länder (Regio, Chiemgauer…). « J’ai recensé près de 5 000 monnaies complémentaires dans le monde », assure Bernard Lietaer, un des responsables du passage à l’euro, professeur d’université, ancien haut fonctionnaire de la Banque centrale de Belgique, membre du Club de Rome, spécialiste des questions monétaires internationales et partisan de ce type d’initiative citoyenne.

Nouveau pouvoir d’achat

Comment utiliser ses monnaies locales ? À Toulouse, par exemple, les personnes échangent des euros contre des sols-violettes qu’ils peuvent dépenser dans les commerces qui les acceptent. Que ce soit le Sol-Violette lancé en 2011, la Pêche bientôt en cours à Montreuil, l’Euro-res en Belgique, la Muse en Maineet- Loire, l’Eusko à Bayonne ou le projet Sonantes à Nantes, la parité est de chaque fois un pour un pour simplifier la vie des utilisateurs.

Limiter la spéculation

Pourquoi créer un tel système ? Pascal Bolo, adjoint aux finances de la ville de Nantes, un des promoteurs de la monnaie Sonantes qui verra le jour après les municipales, y voit d’abord une démarche éthique en soulignant que « 95 % des échanges de monnaie servent la spéculation et pas à l’économie réelle ». Bernard Lietaer dénonce les crises monétaires successives. En 2008, celle des subprimes, système spéculatif généré par les milieux financiers, a provoqué une crise mondiale qui a ralenti la croissance, et mis à mal les banques. Pour sauver le système bancaire indispensable aux échanges de l’économie réelle, le contribuable a dû chèrement payer la note. La zone euro vient seulement de se doter d’un fonds obligatoire mutualisé, financé par les banques, pour les responsabiliser et protéger les finances publiques. Cette garantie ne sera opérationnelle que dans quelques années le temps de constituer la réserve nécessaire.

Comment ça marche ? « Pour vous familiariser avec cet outil, je rappellerai que nous utilisons déjà des monnaies complémentaires sans le savoir, assure Jean- François Noubel, fondateur du Collective Intelligence Research Intitute (CIRI), un réseau de réflexion international de recherche et développement notamment sur les « monnaies libres ». Le Ticket restaurant est une monnaie complémentaire « corporate » (d’entreprise) qui donne du pouvoir d’achat dans un milieu fermé qui permet de doper les échanges de la restauration hors foyer. Les Miles, accordés par les compagnies de transport à leurs clients les plus fidèles, impliquent une dépense dans les voyages et favorisent la filière touristique pendant leurs temps libre et pas ailleurs, comme dans les magasins ».

Lutte contre la pauvreté

La Muse, Sol-Violette, la Pêche et bien d’autres poursuivent un but social et éthique. « Prenez un quartier défavorisé, reprend Jean-François Noubel. Il existe une foule de richesses mais elles ne peuvent pas être valorisées car personne ne possède des euros pour les acheter. Une des solutions passe par la création d’une monnaie complémentaire. Ainsi, une personne qui peut réparer un robinet qui fuit chez une personne pauvre en euros pourra commercialiser ses compétences. Son client aura, préalablement su monnayer ses savoir-faire en monnaie complémentaire en assurant des travaux de couture, par exemple. Notre plombier pourra dépenser cette somme dans le quartier en achetant des biens ou des services à une autre personne qui pourra alors consommer local. Cette monnaie ne sert qu’aux échanges et ne peut être thésaurisée ni faire l’objet de spéculation. Immédiatement réinjectée, elle n’est qu’au service de l’économie réelle. L’effet fait boule de neige et permet à beaucoup de personnes d’accéder aux richesses locales ignorées par la monnaie traditionnelle. Aujourd’hui, dans le monde, une des causes de la pauvreté est la rareté de la monnaie gérée par la finance privée, qui la confisque au profit de ses intérêts et qui empêche la création de richesses dans beaucoup d’endroits sur cette terre ».

Financer l’économie réelle

« Nous lançons, sur l’aire urbaine de Nantes, le plus vaste réseau de monnaie complémentaire jamais créé en France pour doper l’économie réelle locale » poursuit Pascal Bolo qui a étudié les freins au développement des expériences précédentes. Prenons le cas des artisans et des commerçants qui souffrent de maux qui s’appellent délais de paiement, agios et impayés. Sonantes, monnaie complémentaire, sans billets et gérée par une grande chambre de compensation informatique, les affranchit des trois problèmes. Un artisan ou un commerçant qui vend un bien ou une prestation en monnaie complémentaire se voit crédité, sans délai et par Internet, sur son compte en ligne en Sonantes. Il va pouvoir immédiatement dépenser cette richesse chez un membre du réseau et ainsi de suite. Employeur, il pourra verser à ses salariés des Sonantes acceptées dans les transports en commun de la ville, le logement social, des parkings, des associations, et d’autres artisans et commerçants adhérents. Les charges sociales et la TVA figureront en euros dans sa comptabilité établie en deux monnaies ». Les offices HLM ou la société de bus dépenseront leurs Sonantes auprès du tissu local dynamisant ainsi les entreprises à proximité. Nous sommes parfaitement dans la philosophie de l’économiste Keynes, adoptée par Roosevelt pour sortir l’Amérique de la crise de 1929 par la relance de l’activité dans une économie fermée.

Création monétaire

Alors qu’il gérait une monnaie complémentaire de 1995 à 2001 à Saint- Quentin-en-Yvelines, Armand Tardella, physicien, passionné des politiques keynesiennes, cofondateur du futur CIEDES (voir article "Casser les limites du système") avait été encore plus loin dans le processus. « Nous avons, en 1997, créé un déficit de l’équivalent de 15 000 € en donnant à chaque adhérent un pouvoir d’achat de 150 € immédiatement injectés dans le système, ce qui a dopé les échanges ». Aujourd’hui, ce normalien travaille au lancement du CIEDES, un projet cette fois-ci paneuropéen. Comme à Nantes avec Sonantes, l’économie réelle devrait connaître des jours meilleurs. L’année 2014 sera riche, en monnaies complémentaires sonnantes et trébuchantes.

 

 

 

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