Entretien avec Marc TASSONE,
Directeur Général de l’IDRRIM*
La préservation du patrimoine routier sera le thème central du premier congrès de l’IDDRIM en octobre prochain. Quels en sont les enjeux?
L’argent disponible dans les collectivités se fait de plus en plus rare et la tentation est grande de considérer comme variable d’ajustement les budgets d’entretien des patrimoines d’infrastructures routières. Or c’est une décision qui peut s’avérer très dangereuse. Peu de maîtres d’ouvrage ont réellement conscience qu’un réseau d’infrastructures, de par ses fondations, sa structure de chaussée, est « vivant ». S’il n’est pas entretenu, les dégradations pernicieuses et peu visibles du début peuvent entraîner des dégradations plus importantes qui pourront conduire à la ruine de la chaussée. C’est ce que nous souhaitons expliquer aux collectivités. Elles sont propriétaires au sens juridique mais également dépositaires d’un patrimoine public et, à ce titre, elles ont le devoir de l’entretenir.
L’IDDRIM a pour mission de leur donner les clés d’entrée pour entretenir ce patrimoine, en tenant compte bien entendu des difficultés que rencontrent les maîtres d’ouvrage aujourd’hui, en particulier des difficultés financières.
Quels sont les facteurs de dégradation des chaussées?
Les chaussées périssent essentiellement pour deux raisons :
1- l’entrée de l ‘eau dans la chaussée par les fissures. Cette eau, si elle stagne, gèle l’hiver dans la chaussée et lors du dégel, la structure de chaussée s’affaiblit et peut craquer sous le poids du passage des véhicules. Il est donc important d’entretenir les chaussées pour étancher la surface. Il existe pour cela diverses techniques dont les couches d’enrobé, les enduits superficiels, le colmatage des fissures… L’étanchéification des couches de chaussée permet de garantir leur pérennité.
2- La fatigue contribue également à la dégradation des chaussées. On appelle fatigue l’accumulation de cycles de déformation de celle-ci. Chaque fois que des véhicules lourds passent, la chaussée se comprime en surface et s’étire en profondeur. La chaussée finit par se détériorer. Tout ceci mérite que l’on s’en préoccupe sérieusement.
A défaut d’entretien, l‘état des chaussées peut aller jusqu’à la ruine. Or, les routes sont essentielles à l’économie d’un pays. 87 % du trafic voyageur passe par les routes. La France aujourd’hui est le troisième pays au monde, en termes d’attractivité grâce à ses infrastructures et le deuxième pays en Europe.
Quelles innovations technologiques seraient à même de répondre aux besoins des maîtres d’ouvrage?
Il n’y a pas de solution miracle. Une enquête prospective menée auprès des membres de l’IDRRIM, pour savoir comment les gestionnaires et propriétaires des routes vont être impactés sur le plan technique, dans les 20 à 30 ans qui viennent, s’est révélée riche d’enseignements.
En voici quelques tendances : l’innovation, de leur point de vue, doit porter sur des solutions plus simples, plus robustes et moins onéreuses. Car des produits plus simples seront sans doute plus faciles et moins chers à entretenir. Ils souhaitent que les solutions mises en oeuvre durent un peu plus longtemps et seraient même prêts, dans ce cas, à les payer un peu plus cher. En termes d’espace urbain, le vieillissement de la population doit être pris en considération par les maîtres d’oeuvre. Et pour assurer le bien-être des usagers, les entreprises proposent de mettre au point des process qui permettent de limiter la durée des chantiers. Par ailleurs, la demande est forte en matière de produits et solutions respectueux de l’environnement, en particulier de la part des signataires des conventions d’engagement volontaire (CEV), à travers lesquelles ils s’engagent à limiter les émissions de gaz à effet de serre, les émissions de CO2, l’utilisation des ressources naturelles, favoriser le recyclage, les enrobés tièdes, etc.
Enfin, faire en sorte que l’on puisse mieux utiliser et optimiser les infrastructures existantes, semble important à leurs yeux. Ces questionnements vont de pair avec la situation actuelle de pénurie d’argent public.
Les responsables de petites collectivités notamment ne sont pas toujours formés au dur métier de maître d’ouvrage, de quelle manière peuvent-ils assurer la gestion la meilleure possible de leurs infrastructures, que ce soit en milieu rural ou urbain?
C’est un vrai sujet sur lequel nous démarrons une étude pilote. Comment mieux gérer un patrimoine d’infrastructures de voirie ou de routes départementales? Nous sommes bien conscients qu’il existe une très grande hétérogénéité entre les gestionnaires/maîtres d’ouvrage des grandes villes et ceux des communes plus petites. Notre étude vise à faire un état des lieux de la situation et nous allons pour cela interroger de nombreuses personnes. Nous essayerons de savoir quels sont les outils utilisés, ceux qui ne le sont pas. Nous lançons une étude pilote dans le grand Est. Ensuite, nous proposerons un référentiel commun pour diagnostiquer, évaluer, puis programmer l’entretien dans le temps . Les élus ou techniciens pourront l’utiliser suivant le type de travaux qu’ils ont à faire. Nous voulons mettre à leur disposition des technologies qui soient « labellisées » par l’IDRRIM, de telle sorte qu’elles puissent être utilisées par le plus grand nombre de personnes.
Par ailleurs, nous constituons des guides techniques pour aider justement les maîtres d’ouvrage. Ils sont accessibles sur le site de l’IdRRIM (www.idrrim.com).
Propos recueillis par Blandine Klaas
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