"A l’aube des élections régionales, il semble essentiel d’articuler les politiques d’égalité femmes-hommes et les politiques rurales pour les inscrire dans un processus d’égalité territoriale et de construction d’un futur désirable" estime Rosie Bordet, adjointe au maire à la mairie de Saint-Georges de Reintembault (Ille-et-Vilaine).
Les inégalités femmes-hommes, un enjeu d’égalité territorial
L’ONU et la FAO soulignent l’importance des femmes dans le développement rural, la production alimentaire et l’éradication de la pauvreté : elles représentent 43% des travailleurs des campagnes à l’échelle planétaire. En France, les femmes rurales possèdent un quart des exploitations et représentent 32% des salariés agricoles. Cependant, le Haut Conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes, dans un rapport de 2014, met en exergue une situation plus défavorable pour les femmes en ruralité qu’en urbanité : emplois plus précaires, accès difficile à l’entreprenariat, manque d’information quant aux droits des conjointes d’agriculteurs et accès plus complexe à la santé et à la mobilité.
En 2019, le rapport Femmes et ruralité du Centre Hubertine Haubert abonde dans ce sens et souligne l’imbrication entre les inégalités femmes-hommes et les inégalités territoriales. Ainsi, le manque de structures de garde d’enfant est à corréler avec les emplois à temps-partiel, les problématiques de mobilité peuvent contraindre au sous-emploi et si les femmes sont plus diplômées en zone rurale qu’à l’échelle nationale, elles connaissent un taux d’emploi inférieur par manque de débouchés ou par déterminisme social.
Pour améliorer la condition des femmes en ruralité, il s’agit donc de répondre à des enjeux d’égalité territoriale en termes d’accès aux droits et aux services, en se centrant sur les besoins des femmes. Plus largement, ces inégalités pourraient avoir leur creuset dans l’information et la formation proposées, l’offre d’orientation et d’éducation étant plus restreinte et moins mixte en zone rurale qu’en territoire urbain.
La puissance des rôles modèles
Il y a quelque temps, j’ai participé à une journée porte ouverte au collège de ma petite fille en zone rurale pour y présenter mon métier aux élèves aux côtés d’autres parents. Alors que j’expliquais les métiers de la communication, j’ai été surprise par le manque d’offre d’orientation et de formation dédiée à nos jeunes, notamment aux jeunes filles, plus que par le fait d’être la seule femme à partager son expérience.
En milieu rural, il est fondamental d’élargir la palette des métiers présentés aux jeunes filles, du care à l’industrie, en passant par l’entreprenariat. La féminisation des métiers et la promotion de la création d’entreprise ne peuvent pas se limiter aux centres urbains, ni au numérique. Si l’on oublie les femmes rurales le risque est de creuser les fractures territoriales existantes.
Pour accroitre les futurs qui sont offerts aux jeunes filles, le témoignage et la participation de rôles modèles lors d’évènements scolaires et associatifs est une piste à privilégier. Il s’agit de donner la parole à des femmes pour qu’elles racontent leur métier, leur famille, leur parcours, leurs engagements politiques ou associatifs ; autrement dit leurs choix.
La narration et l’exemple sont des ressources puissantes pour inspirer l’imaginaire des collégiennes qui, devant la diversité des parcours de femmes, peuvent décider de leur orientation : être esthéticienne, agricultrice, créatrices d’entreprises, mais aussi ingénieure aérospatiale ou encore philosophe, comme Sabrina Andiappane ou Corinne Pelluchon.
Il n’y a qu’un impératif : élargir le champ des possibles par le modèle et par la diversification et l’accroissement de la mixité des offres de formations en milieu rural.
L’accès au leadership politique et économique : un axe décisif
Le progrès de l’égalité femmes-hommes sur nos territoires ruraux passe notamment par la facilitation de l’accès des femmes aux postes de direction. Or, à ce jour, la parité n’est pas une obligation pour les communes de moins de 1000 habitants, ce qui a pour effet une sous représentation des femmes dans les instances de décision intercommunautaires. Sur les 18 régions de France, quatre seulement ont une femme pour présidente. Dans ce contexte, un des moyens pour répondre à cette faible représentation dans la politique locale réside dans les normes électives.
Un autre levier d’action existe : le rôle modèle des élues locales pour encourager la participation politique de leurs paires sur leur territoire. L’accompagnement et la promotion de réseaux de femmes élues et cheffes d’entreprises peuvent renforcer la visibilité des femmes qui agissent sur leur territoire et faciliter leur participation à des temps scolaires ou associatifs, destinés à élargir les représentations en cours.
En tant qu’élue locale, cheffe d’entreprise et autodidacte, je suis convaincue que mon témoignage est une ressource pour les jeunes filles en ruralité. Ce faisant, j’espère contribuer à la prise en compte de la question des femmes en ruralité dans le débat public.
A ce titre, l’initiative de la Délégation aux droits des femmes du Sénat d’inscrire à l’agenda de cette année un rapport sur la situation des femmes en territoires ruraux doit être saluée. Espérons que ce travail permette de prendre des mesures fortes à l’échelle nationale et locale afin de réduire les inégalités entre les femmes et les hommes et les inégalités territoriales.
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