David Samzun, maire de Saint-Nazaire (44) et président de la Carene, l’agglomération nazairienne, active toutes les manettes pour transformer la ville industrielle qui lui colle à la peau en « ville plaisir ». Politique de l’habitat proactive, redynamisation du centre-ville, développement des activités de services, d’ingénierie et de tourisme... À quelques mois des municipales, rencontre avec un élu bien « vivant », comme sa ville.
RCL : Comment se porte votre ville ?
David Samzun : Merveilleusement bien. Nous avons une industrie heureuse. Elle est notre marque de fabrique que tour à tour les élus ont entretenu, croyant dur comme fer que les industries nautique et aéronautique étaient l’avenir de cette ville. Et cela même au creux de la vague, contrairement à d’autres régions qui ont accepté de voir leurs fleurons industriels se délocaliser. Aujourd’hui, les chantiers navals ont un carnet de commandes à dix ans ; deux paquebots par an, les plus gros au monde sortent du port chaque année. Quant à Airbus, son activité tourne, elle aussi, à plein régime. Et notre activité économique se conjugue avec un environne- ment exceptionnel : Saint-Nazaire (70 000 habitants) – la clé d’entrée de l’estuaire de la Loire ; son port, le quatrième de France, et ses 20 plages – est une vraie ville à la mer, une « ville plaisir ». Ce qui nous posi- tionne, de facto, sur le développement touristique.
Cette image de Saint-Nazaire, ville industrielle et grise, c’est du passé ?
D.S. : Saint-Nazaire, « ville plaisir », est aussi une destination touristique, surtout pour ceux et celles qui y vivent. Les animations y sont désormais nombreuses. Prenez la place du Commando, par exemple, elle n’a rien à envier à La Baule. Et au-delà de ma volonté d’offrir un cadre de vie agréable, il est nécessaire de cultiver la diversification de nos activités économiques en développant des activités de services et d’ingénierie. Bon nombre de Français ou d’étrangers viennent à Saint-Nazaire, compte tenu de la visibilité en matière d’activité, pour s’y installer avec femmes et enfants. Il est donc nécessaire pour les conjointes ou les conjoints de développer une activité de services. Voilà pourquoi nous avons besoin de développer et de nous diversifier, pour que chacun y trouve sa place.
Quels sont vos points forts ?
D. S. : Nos pépites sont nombreuses : de grands laboratoires de recherche, des grands capitaines d’industrie, un savoir-faire exceptionnel, la qualité et la beauté du geste des hommes et des femmes, auxquels s’ajoutent des infrastructures de qualité que nous avons toujours préservées, même en période de basse activité. Lorsque nous avons dressé au-dessus de la ville le portique, nous étions pourtant en période de mer basse. Nous avons cette capacité à investir, à innover tant dans les infrastructures que dans l’intelligence industrielle, mais nous avons également cette aptitude à rassembler autour de la table des acteurs public-privé pour accélérer les décisions. Je me souviens, j’étais alors un tout jeune maire, lorsque le patron des Chantiers de l’Atlantique m’a annoncé le flot de commandes, m’alarmant sur notre incapacité matérielle à les honorer dans la totalité, faute d’infrastructures. En deux mois et demi, un temps record, j’ai mis autour de la table le département, la région, les pouvoirs publics, l’agglomération, l’agence d’urbanisme et nos bureaux d’études. Résultat : nous avons réuni 15 M€ pour dévoyer un boulevard de plusieurs kilomètres afin d’étendre la surface de prémontage des chantiers et accueillir des colis XXL. L’armateur était scotché, nous garan- tissant qu’aux États-Unis, il aurait fallu pas moins de deux générations pour qu’un tel projet aboutisse.
Et quelles sont alors vos faiblesses?
D.S. : Le port et son avenir. Il est principalement dédié à l’énergie. Sur la raffinerie de Donges, nous avons des garanties sur une vingtaine d’années. Nous avons juste deux petites décennies pour trouver un autre modèle économique. Et c’est aux politiques et aux acteurs du secteur de s’y pencher rapidement et d’accompagner cette transition énergétique qui se fait pressante. Saint-Nazaire est prête à aborder le virage et à développer la filière. On possède le savoir-faire et la technologie et la volonté d’aborder le changement. Mais, hélas, nous n’avançons pas. Cela fait trois ans que des associations multiplient les recours auprès du Conseil d’État. Mais le dossier piétine. Ce qui me laisse penser que, finalement, le gouvernement n’est pas prêt à lâcher la filière nucléaire, certainement parce qu’il n’est pas convaincu par les énergies marines renouvelables. C’est affligeant, une simple poignée d’hommes et de femmes qui s’opposent à la création de champs d’éoliennes en mer, je me
dis que les lobbies sont tout-puissants. Or, avant même de commencer, on a déjà accumulé du retard. Qu’est-ce qu’on attend ; que les Chinois s’y mettent ? Pendant ce temps, la planète se réchauffe dangereusement.
Et votre centre-ville, c’est également une faiblesse...
D.S. : En décembre 2014, nous avons voté un plan de redynamisation de notre centre-ville. Logements abandonnés, commerces qui ferment, notre hypercentre a subi de plein fouet le développement de la périphérie avec ses grands centres commerciaux et son accessibilité facile. Nous avons lancé un vaste programme de réhabilitation des logements. Car avec notre apport démographique, auxquels s’ajoutent les jeunes qui quittent le foyer familial et les divorces, nous devons mettre sur le marché quelque 35 000 logements supplémentaires par an. Nous avons fait le choix de la réhabilitation de l’ancien pour lutter contre l’étalement urbain et pour répondre au plus près aux problèmes de mobilité. Ce programme proactif est monté jusqu’au gouvernement, et c’est ainsi, sur la base de nos initiatives, que les pouvoirs publics ont lancé le pro- gramme « Action cœur de ville ».
Comme prévu, dans la convention que 222 villes moyennes ont signée, vous avez bénéficié d’un apport financier de l’État...
D.S. : À l’heure où je vous parle, je n’ai pas reçu le moindre euro. Comme de nombreuses villes, nous avons dit oui à la contractualisation. Mais comment envisager des plans d’investissement ambitieux avec une telle contrainte budgétaire ?À plusieurs reprises, j’ai interpellé le gouvernement, lui demandant d’extraire de notre budget les dépenses liées à la redynamisation de l’hypercentre. Aucun retour à ce jour. Mais lorsque la colère monte, je me dis qu’à Saint-Nazaire, on a toujours pris notre destin en main.
Propos recueillis par Danièle Licata
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