Renaud Muselier : J’ai à cœur de construire des relations apaisées avec le gouvernement

L'élu et le citoyen
10 janvier 2020

Le président de Régions de France, Renaud Muselier, souhaite s’inscrire dans une démarche constructive et responsable avec le gouvernement. C’est ce qu’il a confié, entre autres, à RCL. Parmi les chantiers qu’il devra suivre : le futur projet de loi de décentralisation et les suites du transfert de la compétence apprentissage. Sans compter la transition écologique. Rencontre avec le président du conseil régional de Provence-Alpes-Côte d’Azur.

RCL : Vous venez d’être élu, le 6 novembre dernier, président de Régions de France. Quels sont vos gros chantiers ?

Renaud Muselier : Tout d’abord, je voudrais dire que j’ai à cœur de construire des relations apaisées avec le gouvernement, dont les régions sont les partenaires naturels en termes d’action publique. J’espère qu’il saura saisir cette main tendue pour que nous puissions repartir sur de bonnes bases. Dans ce cadre, mon premier chantier concernera le déblocage du dossier apprentissage qui est au cœur des difficultés entre les régions et le ministère du Travail, à cause de la manière dont la ministre Muriel Pénicaud a traité le sujet. Depuis trois ans, l’apprentissage connaît une dynamique exceptionnelle. Ce n’est pas grâce à l’action du gouvernement, dont la réforme ne s’appliquera qu’au 1er janvier, mais grâce à celle des régions. Il faut à présent sortir des difficultés techniques sur lesquelles s’arc-boute le ministère pour essayer que cette réforme ne vienne pas casser cette dynamique en générant de nombreuses frustrations chez les jeunes et provoquer des dégâts importants pour les CFA [Centre de formation d’apprentis, NDLR] en zone rurale, ou en formant à des métiers rares. Mon second chantier sera celui de la loi 3D (Décentralisation, Déconcentration, Différenciation) pour laquelle nous avons fait des propositions. Nous attendons du gouvernement qu’il fixe sa propre feuille de route afin que nous puissions avancer sur ce texte essentiel pour rééquilibrer les rapports de l’État et des régions.

Vous associez-vous à la démarche « Territoires Unis », initiée par votre prédécesseur, Hervé Morin ?

R. M. : Tous les présidents de régions ont soutenu cette démarche innovante qui visait à défendre le rôle et la place des collectivités locales dans la République pour une action politique plus juste, moins coûteuse, et plus proche de nos concitoyens. Elle a déjà porté des fruits puisqu’elle a conduit à la création d’un rapport de force qui permet de faire bloc face aux attaques du gouvernement. Le changement de ton de celui-ci est perceptible ; on l’a vu notamment avec les maires et la loi engagement et proximité. Je m’inscrirai donc dans la continuité de ce qu’a engagé Hervé Morin aux côtés de François Baroin et Dominique Bussereau, notamment pour réussir la loi 3D. Le président du Sénat, Gérard Larcher, a proposé de travailler avec nous à la rédaction d’un projet. Nous avons commencé à le faire et nous serons prêts en début d’année. C’est un exercice original très différent des processus technocratiques qui trop souvent président à l’écriture des textes de loi. Notre position sera ambitieuse et elle respectera les spécificités de chacun de nos niveaux de collectivités. Ce sera en quelque sorte un exercice d’autocoordination, où nous pourrons proposer une articulation des rôles entre les communes, les départements et les régions. Nous verrons si le gouvernement souhaite la retenir. L’acte III de la décentralisation est lancé. À cette occasion, le Premier ministre, Édouard Philippe, a annoncé l’ouverture d’une concertation avec les élus.

Est-ce une énième concertation ou une réelle réflexion sur une nouvelle organisation de l’action publique territoire par territoire ?

R. M. : La concertation à l’échelle locale est bienvenue, mais elle ne suffira pas à nourrir l’exercice. S’agissant de la définition d’une nouvelle architecture institutionnelle, le gouvernement doit aussi discuter, au niveau national, avec les associations représentatives. La difficulté est que nous ne connaissons pas à l’heure actuelle le niveau d’ambition qu’il envisage de donner à l’exercice. La concertation locale pourra donner lieu à l’identification des besoins de différenciation. Nous espérons que le gouvernement saura trouver les conditions afin que la réforme constitutionnelle soit votée, car seule cette évolution permettra d’inscrire une véritable différenciation territoriale dans l’organisation des compétences. Par contre, je ne validerai pas les propositions consistant à faire de la différenciation par le biais de contrats qui ne peuvent être que des expédients temporaires. La différenciation doit s’accompagner d’une plus grande clarté dans la répartition des responsabilités publiques, alors que le contrat entretient la confusion entre ce qui relève de l’État et ce qui relève des collectivités locales. Vous avez dénoncé les propos de la secrétaire d’État chargée des Affaires européennes, Amélie de Montchalin, qui critiquait la gestion locale des fonds européens.

Expliquez-nous ?

R. M. : La ministre en charge des fonds européens, c’est Jacqueline Gourault, avec laquelle j’entretiens d’excellentes relations, et avec qui je préside les comités État/régions. Mme de Montchalin a voulu se faire applaudir au Congrès des maires en enfonçant une porte ouverte et en relayant un discours mensonger sur la sous-consommation des fonds. La France n’est pas en retard, bien au contraire, dans la consommation des fonds. Près de 70 % des crédits européens alloués à la France ont d’ores et déjà été engagés. Le directeur général de la DG REGIO [Direction générale de la politique régionale et urbaine] à la Commission européenne a rappelé, le 20 novembre dernier, à Marseille, que la France faisait partie des bons élèves européens. Le directeur général adjoint de la DG AGRI [Direction générale de l’agriculture et du développement rural] a également soulevé, lors de sa dernière rencontre avec les autorités de gestion françaises, début novembre, que la France était en avance sur le FEADER [Fonds européen agricole pour le développement rural], y compris par rapport aux autres « grands » pays agricoles [10e sur 28]. Vu les difficultés rencontrées en début de programmation, c’est même un tour de force ! Quant à la simplification que tout le monde appelle de ses vœux, j’aurai l’occasion d’annoncer des initiatives en lien avec Jacqueline Gourault. Mais il faut avoir à l’esprit que la première complexité se situe au niveau des règlements européens, et que l’enjeu majeur consiste aujourd’hui à se battre pour sauver le budget global de la politique de cohésion et de la PAC [Politique agricole commune]. Si Aurélie de Montchalin veut nous aider à Bruxelles sur ces deux plans, nous accueillerons ses efforts avec un grand plaisir.

Vous êtes médecin de formation. Quel regard portez-vous sur le plan d’urgence pour l’hôpital public comme réponse à la crise du secteur, et à la désertification ?

R. M. : Je veux d’abord dire que je comprends le mal-être dans l’hôpital public. Le travail et l’abnégation des personnels soignants sont tout particulièrement admirables. Le plan d’urgence de la ministre va dans le bon sens, mais ne suffira hélas pas. C’est aussi la raison pour laquelle, en tant que président de la région Sud, j’ai pris des mesures importantes pour venir en aide aux soignants et améliorer leurs conditions de travail. Nous avons également pris à bras-le-corps la question des déserts médicaux en ouvrant plus de 63 maisons de santé à travers la région. Nous avons mis en place un PASS Santé d’une valeur de 130 €, lancé un plan cancer régional de 25 M€ et la reconstruction du Samu régional, ainsi que la rénovation des salles d’attente.

Votre région a été frappée de plein fouet par les intempéries. Quelles sont les premières mesures d’urgence ?

R. M. : Nous avons voté, le 13 décembre dernier, un plan d’action de 13 M€ en faveur des communes et entreprises impactées par les violentes intempéries de cette fin d’année. Nous aiderons les communes reconnues par arrêté interministériel en état de catastrophe naturelle à hauteur de 500 000 € pour les travaux d’urgence. Quant aux entreprises, les dégâts seront couverts par les assurances. Toutefois, j’ai souhaité faire jouer la solidarité régionale et mettre en place un fonds d’urgence comme nous l’avions fait l’an dernier au moment des « Gilets jaunes ». Ainsi, les entreprises qui perdent du chiffre d’affaires seront indemnisées par la région. Enfin, nous avons décidé de relocaliser le lycée du Golf-Hôtel, à Hyères, qui a été, une fois de plus, inondé. C’est un investissement de plus de 40 M€ pour notre collectivité.

Quel message envoyer aux populations en ces périodes difficiles ?

R. M. : J’admire le courage de celles et ceux qui sont plongés dans une galère insupportable par une minorité de grévistes ! Je peux comprendre que certains fassent grève, mais je n’accepte pas que cela se fasse au détriment du droit de circuler et de la liberté de travailler. Bien souvent, ce sont les plus fragiles et les plus précaires qui sont pris en otage ! Et si je comprends les revendications de certains, il faut bien avouer que d’autres défendent des droits qui sont aujourd’hui devenus des privilèges. La pénibilité existe et elle doit être prise en compte, mais depuis 1945 elle a évolué. Elle s’est déplacée et les régimes spéciaux dans leur format actuel doivent être supprimés. C’est une question d’égalité entre tous !

À quelques semaines des municipales, quel message adressez-vous aux maires ?

R. M. : C’est avant tout un message de soutien. Nous sommes la collectivité partenaire des maires. Nous les accompagnons dans leurs projets au quotidien, notamment grâce au Fonds régional d’aménagement du territoire, que nous avons doté de 30 M€ pour 2020 et aux Contrats régionaux d’équilibre territorial auxquels nous consacrerons 60 M€ l’an prochain. Les maires sont les premiers aménageurs du territoire et la région est à leurs côtés. C’est dans cet état d’esprit que tous les ans, j’organise, à Marseille, une convention régionale qui leur est totalement consacrée. Tous les services de la région y sont réunis et à leur disposition pour leur expliquer nos politiques et leur présenter nos dispositifs d’aide.

Propos recueillis par Danièle Licata

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Question :
Un maire, donc OPJ, peut-il l’être en dehors de sa commune ?
Réponses :
Non, il est élu OPJ sur sa commune.
Tous les pouvoirs du Maire en tant que représentant de l'Etat ne lui sont octroyés que sur son territoire.
Non uniquement dans la commune où il est élu maire.

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