INITIATIVE. Le rapport remis au Premier ministre sur la réforme de l'accompagnement du Revenu de solidarité active préconise une vision globale entre bénéficiaires, employeurs et Pôle emploi.
C'est l'un des axes prioritaires du plan pauvreté : la réforme du Revenu de solidarité active (RSA) que le gouvernement veut désormais plus efficace. Claire Pitollat, députée des Bouches-du-Rhône (13), et Mathieu Klein, président du conseil départemental de Meurthe-et-Moselle (54), ont planché l'été dernier sur ce dossier épineux. Leur mission: identifier les dispositifs actuellement en place sur les territoires qui font déjà leurs preuves. Leurs préconisations après un mois d'investigation? Réformer en profondeur l'accompagnement pour réussir l'insertion sociale et professionnelle des bénéficiaires du RSA.
Dans la lettre de mission que le Premier ministre, Édouard Philippe, leur a adressée, il dresse un constat alarmant sur le système du RSA. « D'un côté les départements contraints se retrouvent étranglés - car l'insertion relève de leurs compétences ; de l'autre des bénéficiaires qui ne bénéficient d'au-cun accompagnement et qui s'enlisent petit à petit », constate Frédéric Bierry, président du conseil départemental du Bas-Rhin (67). Parmi les chiffres énoncés : 40 % des bénéficiaires ne sont pas orientés vers un accompagnement six mois après une demande de RSA; 13 % sont encore totalement livrés à euxmêmes au bout de deux ans; et, parmi les bénéficiaires orientés, un sur deux n'a aucun contrat d'engagement et donc pas de logique de droits et devoirs engagée.
« La vérité, c'est que notre modèle social a échoué à insérer les plus fragiles et qu'il y a de plus en plus de pauvres. Aujourd'hui, 5 millions de personnes vivent dans notre pays avec moins de 900€ par mois », déplore Mathieu Klein. « Pourtant, chaque année ce sont près de 300000 postes qui ne sont pas pourvus », riposte Frédéric Bierry. Une aberration! Une fatalité? Pas pour tous les départements. En effet, quelques dispositifs mis en place par certains d'entre eux fonctionnent. Et c'est justement ces « bonnes pratiques » en matière d'accompagnement des bénéficiaires du RSA que Claire Pitollat et Nicolas Klein ont pu recenser à travers la Seine-Saint-Denis (93), le Nord (59), la Gironde (33), la Meurthe-et-Moselle et les Alpes-de Haute-Provence (04) lors de leurs multiples échanges avec les associations, les agences d'insertion, les institutions et les demandeurs d'emploi.
Le rapport s'attache donc au travers d'une cinquantaine de propositions à surmonter le paradoxe d'une politique en échec, alors même que les idées, les méthodes et la mobilisation existent partout sur le territoire », commente Frédéric Bierry.
En voici quelques-unes :
1 ACCÉLÉRER LES DÉMARCHES ADMINISTRATIVES
La durée excessive des premières étapes à l'entrée du RSA (ouverture du droit, orientation dans un parcours d'accompagnement, signature du contrat d'insertion
) est un facteur majeur de complexité, et d'éloignement social et professionnel. C'est pourquoi plusieurs propositions sont faites pour que cette étape s'accélère. Les outils numériques en appui aux professionnels devraient faciliter le traitement administratif et permettre un premier entretien d'orientation dans les huit jours après la demande d'ouverture des droits RSA.
2 METTRE EN PLACE UN ACCOMPAGNEMENT DES BÉNÉFICIAIRES
L'instauration d'un accompagnement unique, qui concilie les sphères professionnelles, sanitaires et sociales, et qui place l'accès à l'emploi comme objectif s'avère efficace. « C'est le moyen de mettre fin au clivage actuel entre accompagnement professionnel et accompagnement social », préconisent les experts de la mission. Dans cette perspective, ils proposent d'aller vers une approche globale de l'accompagnement, piloté par Pôle emploi et les départements, et impliquant les structures sanitaires dans les politiques d'insertions sociales.
3 FAVORISER L'INTERMÉDIATION
Le développement de l'intermédiation permettrait l'accompagnement coordonné d'un bénéficiaire à la quête d'un emploi et d'un employeur recherchant des compétences. Les rapporteurs proposent aussi que l'intermédiation se prolonge dans l'entreprise après le recrutement et pas seulement à la porte de celle-ci, car les difficultés sociales peuvent se prolonger même après l'embauche. « Il nous faut renforcer les liens avec les acteurs économiques qui sont un maillon essentiel de l'accompagnement vers l'emploi », conseillent Claire Pitollat et Mathieu Klein.
4 FAVORISER L'AUTONOMIE DES BÉNÉFICIAIRES
Le repositionnement du bénéficiaire fait l'objet de plusieurs propositions qui vont toutes dans le sens : lui donner un rôle plus actif pour qu'il ait une maîtrise de son parcours d'insertion. C'est notamment la condition pour qu'existe une coresponsabilité, entre celle du bénéficiaire qui doit s'engager dans son parcours d'insertion, mais aussi celle des administrations qui doivent offrir un accompagnement effectif. Un socle de valeur du contrat d'engagement réciproque, insistent les auteurs.
5 ÉVALUER RÉGULIÉREMENT LES POLITIQUES D'INSERTION
L'organisation d'une évaluation systématique, obligatoire et continue des politiques d'insertion fait l'objet d'une dizaine de propositions pour avoir une mesure plus fiable de la cohérence et l'efficience des pratiques. Bien d'autres questions ont retenu l'attention des auteurs du rapport et font l'objet de préconisations qui vont de l'élargissement de l'accompagnement à la sphère familiale du bénéficiaire au soutien à l'insertion par activité économique en passant par le développement des clauses d'insertion
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TROIS QUESTIONS À : FRÉDÉRIC BIERRY
Président du conseil départemental du Bas-Rhin
RCL: Vous avez contribué au rapport commandé par le Premier ministre. Comment rend-on plus efficaces le RSA et l'accompagnement des bénéficiaires?
Frédéric Bierry: Il faut que l'on arrive à mieux définir les profils des bénéficiaires à travers leurs parcours, leurs objectifs, mais également leurs besoins pour les aider de façon efficace à retrouver le chemin de l'emploi. C'est ainsi que l'on pourra identifier les obstacles à l'employabilité. Ils sont parfois nombreux : santé, addictions, mobilité
C'est finalement du sur mesure qu'il faut déployer. Et sur l'échelle d'un bassin de vie, l'accompagnement est plus pertinent et plus efficace.
Quelle serait la mesure la plus efficiente ?
F. B. : Je crois que désigner un référant de parcours accélérerait considérablement la procédure qui s'avère souvent beaucoup trop longue et donc décourageante. Le bénéficiaire rencontrerait une seule et même personne sans passer de service en service.
Qu'est-ce que vous avez mis en place dans votre département et qui fonctionne ?
F. B. : Nous avons tissé des liens étroits avec les entreprises et le monde social. À titre d'exemple, des conseillers emploi dans le Bas-Rhin identifient les profils des bénéficiaires qu'ils transmettent à Pôle emploi. Mais une fois la mise en contact réalisée, nous continuons leur accompagnement durant plusieurs mois, même s'ils sont en poste. Cette démarche demande un investissement humain, mais qui a fait ses preuves. Et qui permet de sacrées économies.
Pour télécharger le rapport : https://www.gouvernement.fr/
Danièle Licata
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