Alors que les grandes lignes de la réforme du système de santé baptisée « Ma santé 2022, un engagement collectif », viennent d'être dévoilées par l'Élysée, que les « Gilets Jaunes » continuent de se mobiliser, RCL a rencontré Frédéric Valletoux, maire de Fontainebleau et président de la Fédération hospitalière de France. L'occasion de balayer les grands sujets qui préoccupent élus et citoyens.
RCL : Le projet de loi santé, une batterie de 54 mesures touchant tant l'organisation de la médecine libérale que de l'hôpital, vient d'être présenté en Conseil des ministres, avant d'être débattu au Parlement dès le 19 mars. Quel est votre état d'esprit ?
Frédéric Valletoux : Le projet qui vient d'être présenté au Conseil des ministres est une brique dans un système repensé plus largement. Sur le papier, ce plan a le mérite de donner une vue d'ensemble du système, où la ville comme l'hôpital trouvent leur place. Et c'est une bonne chose. L'autre aspect positif du plan est cette approche graduée des soins depuis les territoires, de la prise en charge jusqu'aux plateaux techniques de soins. C'est dans ce sens, une grande avancée, car les besoins en soins sont différents d'un territoire à l'autre. Ainsi, on sortirait de cette vision jacobine qui consiste à se focaliser uniquement sur l'hôpital. Notre système de soins aujourd'hui dégradé devrait en sortir revigoré à long terme. Reste que dans la réalité, pour que cette transition se fasse, il faudrait bousculer les habitudes très vite et, bien sûr, accompagner financièrement la transition. Or dans le projet de loi de financement de la Sécurité sociale pour 2019, le compte n'y est pas. Et puis, ce projet territorial de santé d'envergure aurait dû associer l'ensemble des professionnels, les élus, les associations et même les patients pour faire émerger un système plus organisé et plus adapté à la réalité d'aujourd'hui. Nous comptons sur le travail d'amendement des parlementaires.
La restructuration en profondeur va-t-elle régler le problème des déserts médicaux ?
F. V. : Potentiellement, oui. L'offre publique mieux organisée devrait remotiver les médecins. Car, paradoxalement, ils n'ont jamais été aussi nombreux - plus de 250 000 médecins inscrits à l'Ordre des médecins -, mais les conditions d'exercice ne les font plus rêver. Et beaucoup ne pratiquent pas. Quant à ceux qui exercent, ils attendent des réponses claires sur la suradministration du système. Un médecin hospitalier qui passe 20 % à 25 % de son temps à faire de la paperasserie n'en peut plus. Toutes ces normes et ces règlements qui pèsent sur le système...
Il est où l'effort de simplification ?
Au final, le problème n'est-il pas celui du financement ?
F. V. : Avec 200 Md dépensés aujourd'hui, on peut soigner les Français. Le vrai problème, c'est de parvenir à mieux dépenser, car il y a beaucoup de déperdition, de redondance et d'actes injustifiés. Or les hôpitaux ont besoin de réformes en profondeur pour pouvoir réaliser les économies demandées par le gouvernement. Car on est toujours sur une logique d'économies pour les économies. On demande encore à l'hôpital au minimum 700 M d'économies nouvelles en 2019. C'était plus de 900M€ l'année précédente sans que rien ne change.
Le chef de l'État devrait également annoncer n relèvement de l'Objectif national de dépenses d'assurance maladie (Ondam) ?
F. V. : Effectivement de 0,2 point, en le portant à 2,5 % en 2019, soit 400 M supplémentaires. D'ici à la fin du quinquennat, ce sont au total plus de 3,4 Md qui seront consacrés au financement de ce plan. Mais ne perdons pas de vue que les 400 M supplémentaires annoncés pour 2019 représentent à peine la moitié de l'effort d'économie demandé en 2018 aux hôpitaux. Je crains finalement que l'équation ne soit pas tenable.
La Fédération hospitalière de France, a-t-elle participé à l'élaboration du plan ?
F. V. : Un peu, mais les associations d'élus pas assez. Or, les collectivités locales sont impliquées au quotidien, en matière de prévention, de restructurations des bâtiments
Ce sont vers les élus que les populations se tournent lorsqu'un hôpital ferme un service ou qu'un dysfonctionnement apparaît. Nous sommes en première ligne. Notre message est clair : on ne peut réformer le système de santé sans y impliquer les territoires, surtout si l'on veut créer un système qui parte du terrain.
Vous préparez avec des hôpitaux privés, un appel au gouvernement avec des propositions concrètes...
F. V. : On propose déjà d'arrêter de pressurer financièrement le système de santé. Le président Emmanuel Macron a dit qu'il y a 30 % des actes dans notre système de santé qui sont sans doute des actes inutiles. Donc 30 % de 200 Md, ce sont plusieurs dizaines de millions d'euros que l'on pourrait économiser pour être réinjectés là où notre système de santé en a besoin. Sauf que dans le plan de financement de la Sécurité sociale 2019, on ne voit pas ces mesures-là arriver, on renvoie à 2021, 2022, 2023
On demande une accélération. Aujourd'hui, les établissements sont fragiles et on ne peut plus tenir.
Les manifestations des « Gilets jaunes » et leur lot de violences impliquent des réparations et des retombées économiques coûteuses. Vous répondez quoi ?
F. V. : En dépit de quelques blocages, Fontainebleau a été épargnée. Mais au-delà, ce mouvement d'une extrême ON NE PEUT RÉFORMER LE SYSTÈME l'occasion, via les élus, de faire remonter leurs revendications. Les maires ont toujours été les intermédiaires entre l'Exécutif et les populations. Lorsque Nicolas Sarkozy a lancé le débat sur l'identité nationale, les maires ont organisé les rassemblements. Ils ont joué le jeu.
Quelles réponses territoriales apportez-vous, dans votre ville, aux problèmes de pouvoir d'achat, de logement, de chômage ?
F. V. : Les recettes sont partout les mêmes. Pour ce qui est du logement, nous comptabilisons 25 % de logements sociaux pour aider les familles défavorisées. Et c'est un équilibre que j'essaie de maintenir. Sur le pouvoir d'achat, les impôts n'ont pas été augmentés depuis cinq ans. Pour ce qui est de la cantine, nous tenons à conserver des tarifs suffisamment supportables pour les ménages financièrement fragiles. Parallèlement, nous sommes à l'écoute des nouveaux besoins des jeunes familles qui s'installent sur le territoire, parce que Paris n'est plus supportable financièrement, compte tenu de l'envolée du prix des logements à l'achat comme à la location.
Quel message avez-vous envie d'adresser au gouvernement ?
F. V. : D'abord, de maintenir le cap sur les réformes sans faiblir. Ensuite, d'avoir le courage d'entamer la réforme de l'État. Aujourd'hui, les maires croulent sous la bureaucratie qui, admettons-le, non seulement n'est plus adaptée au monde moderne, mais, surtout, asphyxie les finances. Les hôpitaux n'ont jamais cessé de s'adapter eux
... à l'État de sortir de son quant-à-soi.
BIO EXPRESS
2001 Devient conseiller municipal de Fontainebleau (77). En 2005, suite à la démission du conseil municipal, remporte les élections partielles et succède à Jacques Nizard au poste de maire.
2008-2014 Réélu maire. Conseiller régional d'Île-de-France, depuis mars 2010 Depuis 2011 Président de la Fédération hospitalière de France, réélu à ce poste en 2014.
Propos recueillis par Danièle Licata
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