Bon nombre de collectivités locales, conscientes des enjeux de santé tant physique que psychologique de leurs agents territoriaux, mettent en place un programme de sport-santé, avec à la clé une autre façon « de repenser le rapport au travail » certifient les auteurs d’une étude publiée par l’Observatoire MNT. Explications.
« L’exercice physique n’est pas seulement la clé de la santé du corps mais aussi de la paix de l’esprit … » déclarait Nelson Mandela lors de sa détention à Robben Island, durant laquelle il s’est astreint à une discipline physique de choc.
Pourtant, selon l’OMS un quart de la population mondiale adulte, soit 1,4 milliard n’est pas suffisamment active. Et la France ne fait pas mieux. Alors que l’Anses (Agence française de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail) dans sa dernière étude publiée en février 2022 (« Manque d’activité́ physique et excès de sédentarité́ : une priorité́ de santé publique ») recommande de pratiquer 3 activités cardiorespiratoires 5 fois par semaine, d’effectuer du renforcement musculaire 1 à 2 fois par semaine et de réaliser des assouplissements 2 à 3 fois par semaine, 95% de la population française adulte est exposée à un risque de détérioration de la santé par manque d’activité physique ou par un temps trop long passé assis. Si l’initiative personnelle reste essentielle pour que les individus augmentent leur activité́, l’Anses rappelle l’importance de l’environnement global et notamment du cadre professionnel : « c’est l’organisation même de nos modes de vie qui est à revoir : que ce soit dans l’espace public, en laissant davantage de place aux mobilités actives comme le vélo ou la marche, ou sur le lieu de travail, en favorisant la pratique sportive et en limitant les temps de sédentarité́ » préconise Irène Margaritis, cheffe de l’évaluation sur la nutrition et les risques nutritionnels à l’Anses. Or, si le sport-santé est devenu une des grandes causes nationales avec entre-autre la stratégie nationale du sport-santé 2019-2024 portée par le ministère des Sports et la loi du 2 mars 2022 sur la démocratisation du sport-santé, reste que les dispositifs nationaux traitent peu de la promotion de l’activité́ physique dans le cadre professionnel. Et en l’absence de cadre légal, l’initiative repose donc sur la société́ civile et principalement la population.
Le sport-santé modifie le rapport au travail
Or, la crise sanitaire a démontré les risques causés par la sédentarité sur la santé. C’est pourquoi, bon nombre de collectivités locales, conscientes des enjeux de santé tant physique que psychologique ont mis en place un programme de sport-santé pour les agents territoriaux. « Une opportunité pour repenser le rapport au travail » certifient les auteurs d’une étude publiée par l’Observatoire MNT qui passe au crible les avantages et les difficultés à surmonter pour les collectivités. Ce guide managérial s’appuie sur des entretiens individuels menés entre septembre 2021 et janvier 2022 auprès d’élus, de dirigeants d’institutions locales, d’agents de catégorie A, B et C, et d’experts du monde sportif, médical, mutualiste, social et entrepreneurial. Premier constat des auteurs : la pratique du sport est relativement récente puisque les premières expérimentations datent de la fin des années 2010.
Pourtant, les territoires qui ont déjà mis en œuvre un programme sportif comme les villes de Poissy et de Rambouillet (Yvelines) par exemple décrivent les nombreux bénéfices constatés chez les agents qui participent aux ateliers organisés par leur employeur durant le temps de travail ou en dehors des heures de service. Et si la collectivité met à leur disposition des équipements et des animateurs sportifs, la pratique est d’autant plus facile. « L’activité́ physique et sportive est une opportunité́ pour dépasser les hiérarchies, développer la confiance en soi- même et dans notre collectif, partager les compétences, les passions et partager de réels moments de plaisirs » commente Franck Périnet, directeur de l’INET (institut national des études territoriales).
Un dispositif gagnant-gagnant
Au-delà̀ de la santé physique, l’activité physique et sportive (APS) présente des bénéfices également sur la santé psychologique car elle contribue au bien-être des agents en réduisant le stress, l’anxiété́ et les symptômes de dépression. Elle est donc un élément à prendre en compte dans une politique de réduction des risques psychosociaux. Sans compter que le sport peut aider les agents à prendre confiance en eux et en leur efficacité́. « Et dès lors que l’activité́ physique ou sportive génère du bien-être chez les agents, s’en suit davantage de motivation et donc d’efficacité́ au travail » commentent les trois élèves administrateurs de l’Institut national des études territoriales (Inet), qui co-signent l’étude. Et d’ajouter : « Insister sur la motivation et donc sur l’engagement au travail des équipes permet de convaincre les élus du bien-fondé́ d’une démarche de sport- santé. La qualité́ de vie au travail est aujourd’hui considérée comme une pierre angulaire de toute politique RH. En outre, les liens entre le bien-être au travail et la productivité́ font aujourd’hui l’unanimité́. »
Côté collectivités, le sport-santé peut être un levier pour créer une marque employeur attractive avec à la clé bien-être et bonnes conditions de travail, alors que les difficultés de recrutement sont particulièrement fortes sur certains métiers en tension, comme le souligne le rapport sur l’attractivité de la fonction publique territoriale de Philippe Laurent, Mathilde Icard et Corinne Desforges publié en janvier dernier. Et puis c’est prouvé, une bonne condition physique et psychologique des agents réduit le nombre d’accidents du travail et d’arrêts maladie, donc l’absentéisme et in fine permet une hausse de la productivité.
Un dispositif à inscrire dans la stratégie RH globale
À partir de cet état des lieux, l’étude s’attache à mettre en exergue les bonnes pratiques observées dans certaines collectivités telles que les communautés d’agglomération d’Épernay, Pays de Champagne et Châlons Agglo (Marne) et formule plusieurs recommandations destinées à encourager les décideurs locaux à s’engager dans cette démarche qui doit impérativement s’appuyer sur un portage politique « au plus haut niveau de la collectivité ». L’étude préconise notamment de mobiliser « les collectifs de direction et d’élus en s’appuyant sur des ressources dédiées, notamment les éducateurs territoriaux des activités physiques et sportives.
Enfin, pour faire du sport-santé un véritable outil de qualité de vie au travail, les auteurs proposent également aux employeurs de prendre un certain nombre de mesures pratiques (adaptation des horaires, décentralisation des ateliers avec la mise à disposition de moyens de transport si nécessaire) et de se doter d’une communication interne spécifique, à l’instar de la communauté Rochefort Océan (Charente-Maritime) qui a proposé à l’ensemble des agents de l’agglomération un questionnaire en ligne pour identifier à la fois leurs habitudes et leurs attentes en matière d’activités physiques et sportives.
Danièle Licata
Inscrivez-vous dès maintenant sur le groupe Facebook Paroles de Maires pour obtenir des informations quotidiennes sur l'actualité de vos missions.