" Le rôle des communes est primordial pour préserver le lien social "

L'élu et le citoyen
08 avril 2019

À quelques jours du 23e Salon des maires d’Île-de-France, qui se tiendra du 16 au 18 avril 2019, Stéphane Beaudet, président de l’Amif depuis 2014, maire d’Évry-Courcouronnes (91) et vice-président de la région Île-de-France, nous a reçu dans sa mairie. Crise des Gilets jaunes, Grand Débat, rôle du maire..., il nous livre son bilan et sa vision du modèle communal. Rencontre avec un maire pas tout à fait comme les autres.

RCL: Le 23e Salon des maires d’Île-de-France se tient dans un contexte particulier cette année. Alors comment vont les maires ?
Stéphane Beaudet : On sent une grosse « fatigue démocratique ». Nous subissons depuis plusieurs années, non seulement une baisse régulière de nos moyens, qui contraint nos projets, mais également une perte d’autonomie qui remet en cause le principe de la libre administration. Et dans le même temps, nous sommes confrontés à une forme de gloutonnerie des intercommunalités, qui porte le risque d’une dilution des services de proximité, alors que les demandes et les besoins exprimés par les administrés sont exponentiels. Cette paupérisation rampante, les difficultés de nos populations, exacerbées par la crise des Gilets jaunes, nous, les maires, nous les observons et nous les dénonçons depuis longtemps.

L’Association des maires de l’Île-de-France (Amif) s’est impliquée dans la gestion de cette crise?
S.B. : Constatant l’étroite ligne de crête entre le « rien lâcher » et le « tout accepter » sur laquelle naviguait le gouvernement, l’Amif a proposé d’ouvrir cette « consultation citoyenne » dans les mairies. Les maires d’Île- de-France ont ainsi été les médiateurs d’une nouvelle forme de dialogue avec leurs concitoyens en colère à travers la mise en place de « cahiers de doléances ». Au total, nous avons recueilli près de 3000 contributions, ce qui n’est pas rien. Elles ont intégralement été remises au ministre de la Ville et du Logement, Julien Denormandie. Le travail de synthèse qui a suivi a dé- montré clairement la nécessité de replacer les maires, véritable socle social, à l’interface entre la population et le pouvoir central. Aujourd’hui, je formule le vœu déjà énoncé devant le président de la République, lors du premier Grand Débat organisé en Île-de-France, de reposer la question de la décentralisation, de son fonctionnement et du rôle de nos collectivités. C’est, sans doute, un peu plus corporatiste que la question des Gilets jaunes, mais, pour nous, les maires, il s’agit d’un enjeu majeur.

À un an du renouvellement communal, quelle est votre vision du rôle des maires?
S.B. : Ils doivent faire preuve d’audace! À force de réduction budgétaire dans nos communes, de révolutions sociale, sociétale et numérique qui transforment en profondeur notre société, et alors qu’on nous demande toujours plus de services publics, il va nous falloir recréer un modèle communal. Pour cela, nous devons nous montrer suffisamment créatifs pour réinventer notre relation aux citoyens en dehors des périodes électorales.

Par quels moyens?
S.B. : Nous avons subi, en quelques années et sous deux gouvernements successifs, un double effet ciseau suite à la mise en place du pacte de responsabilité en 2010 et plus récemment de la loi Maptam [loi de Modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles, NDLR]. Alors même que les besoins de services publics augmentent et que le rôle des communes se dilue dans des intercommunalités de plus en plus grandes. L’une des réponses à ce défi est la création de communes nouvelles. On constate d’ailleurs un phénomène d’accélération de cette « révolution invisible » qui, à mon avis, va s’amplifier après les élections municipales de 2020. En tant que président de l’Amif, depuis mon élection, j’ai assumé cette position un peu schizophrène qui consiste à dire qu’il faut se battre pour que la baisse des dotations se fasse à un rythme digérable pour tous et, dans le même temps, convaincre mes collègues maires de réinventer le modèle communal.

C’est une démarche que vous avez commencée dans votre propre commune, à Évry-Courcouronnes?
S. B. : Absolument, mais cette commune nouvelle nous ne l’avons pas bâtie en six mois sur un coup de tête. Elle s’est construite dans la durée. Ce fut un long pro- cessus qui a débuté il y a plus de quinze ans. Petit à petit, plutôt que de dresser des murs, nous avons mis des passerelles entre nos communes, construit des ponts sur tout un champ de politiques publiques, et c’est ainsi que nous avons fait tomber les barrières.

La création d’une commune nouvelle, est-ce une question de confiance ou un pari sur l’avenir?
S.B. : C’est une question d’audace. Les 237 communes qui ont scellé une commune nouvelle au 1er janvier 2019 n’en ont pas manqué! Et, de surcroît, les maires se sont montrés courageux parce que la création d’une commune nouvelle est un bon moyen de réhabiliter le politique, en expliquant aux administrés ce qu’est la politique locale et ce que coûte l’école que l’on croit gratuite, ou la cantine qui revient à 10 % de son prix réel. Il y a une méconnaissance de ce qu’est notre modèle social et cette méconnaissance s’exprime sur les ronds-points par des Gilets jaunes qui dénoncent le trop d’impôts par rapport aux autres pays, sans se poser la question du niveau de vie dans ces autres pays. Et bien la commune nouvelle permet d’entrer dans ce débat-là parce que nous sommes obligés de redéfinir ce qu’est en réalité le service public. Du coup, on réintéresse. C’est l’un des nouveaux enjeux de notre mandat d’élu local. Et j’insiste sur le rôle essentiel des communes dans la pré- servation de notre lien social. Les mairies restent les piliers de notre démocratie. Tout au long de l’année 2019, nous allons échanger sur la transition écologique, sur la crise sociale et sociétale, sur la révolution numérique et digitale à l’œuvre parce qu’elle va changer la nature même du service public que nous allons proposer dans les années à venir. C’est tout le sens de notre mission, partager, accompagner, anticiper.

De toutes les questions qui remontent du Grand Débat national, la mobilité est un sujet que les Franciliens abordent peu. Pourtant, le transport occupe une part importante dans les dépenses des ménages ?
S.B. : S’il s’agit de transport public, son coût est faible et pèse peu dans le budget des Franciliens. Pour ce
qui est des transports en voiture, soit 15 millions de trajets quotidiens en Île-de-France (contre 8 millions en transport en commun), certes, leur coût est bien plus élevé, mais les Franciliens ne sont pas prêts à y renon- cer parce qu’ils habitent loin des centres, là où l’offre de transports publics est faible.

Pensez-vous que la route est le parent pauvre du réseau de transports?
S.B. : Les chiffres parlent d’eux-mêmes : l’État investit aujourd’hui 75 % de moins qu’il y a quinze ans pour l’entretien et la réfection des routes. Résultat, elles se dégradent et, parfois, dangereusement. La route est également un parent pauvre culturel. Je m’explique: depuis la prise de conscience écologique, les automobilistes sont les pollueurs que l’on montre du doigt et la voiture le démon qu’il faut supprimer, en oubliant que le métro ou le chauffage à bois polluent davantage. Pourtant, paradoxalement, la voiture est la solution de demain parce que la route est le seul réseau de transport en Île-de-France qui n’est pas saturé, en dépit des 400 km de bouchons chaque matin. Aujourd’hui on comptabilise 1,1 passager par véhicule, or en montant à 1,8 passager, les bouchons disparaîtraient. Demain, il faudra qu’il y ait plus d’automobilistes et moins de véhicules sur les routes.

Propos recueillis par Danièle Licata

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Question :
Un maire, donc OPJ, peut-il l’être en dehors de sa commune ?
Réponses :
Non, il est élu OPJ sur sa commune.
Tous les pouvoirs du Maire en tant que représentant de l'Etat ne lui sont octroyés que sur son territoire.
Non uniquement dans la commune où il est élu maire.

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