"La situation familiale a une incidence majeure sur le niveau de vie des familles"

L'élu et le citoyen
02 décembre 2021

Le Haut Conseil de la famille, de l’enfance et de l’âge (HCFEA), à la demande du secrétaire d’État chargé de l’enfance et des familles, Adrien Taquet, vient de publier un « panorama sur les familles d’aujourd’hui et les problématiques auxquelles elles font face». Entre familles nombreuses, recomposées, monoparentales et homoparentales… Michel Villac, son vice-président (HCFEA) nous livre un tour d’horizon.

 

RCL : Dans l’introduction du rapport, il est écrit : « la manière de faire famille est marquée par des changements » ; quels sont ceux que vous identifiez ?

Michel Villac : La manière de constituer famille, à savoir se mettre en couple, éventuellement se séparer, avoir des enfants, partager une vie commune avec enfants et conjoint lorsqu’il est présent, n’est plus aussi marquée par la « famille nucléaire » comme dans les années soixante, même si le couple « papa-maman avec enfants », qui reste, tout de même le modèle dominant, concerne encore deux tiers des familles. On constate de nombreuses transformations aux configurations familiales antérieures, avec l’apparition de nouvelles formes de familles et une diversité des manières de faire famille. Mais parallèlement, on constate aussi, une continuité autour de la prééminence du couple. L’objet de ce rapport, commandé par le secrétaire d’État chargé de l’enfance et des familles, est d’établir un portrait détaillé des familles, d’identifier les difficultés spécifiques auxquelles elles sont exposées, notamment celles auxquelles les pouvoirs publics n’auraient pas à ce jour ou insuffisamment apporté de réponses.

RCL : Quelles sont les transformations que vous avez pu constater ?

M.V. : La première transformation concerne les modes de constitution des couples. Le mariage qui traditionnellement officialisait le couple et sa pérennité n’est plus le point de passage obligé pour faire famille. Depuis 2006, les naissances se font majoritairement en dehors du mariage, 28 % en 2018 contre seulement 4 % en 1975. Autre transformation : les divorces de couples mariés ou les séparations pour les couples non mariés augmentent fortement depuis 1975. 5 % des mariages conclus en 1975 duraient moins de cinq ans, contre 9 % en 2010. Ces séparations sont suivies ou pas de la constitution d’une nouvelle union pour l’un des deux ex-conjoints ou les deux. Concernant toujours les couples, on voit légitimer, y compris par le mariage, des unions homosexuelles, qu’elles concernent des couples de femmes ou d’hommes. L’âge de constitution des familles a également changé du fait de l’allongement des études et de la difficulté pour les jeunes à stabiliser leur situation professionnelle. D’ailleurs, ils restent plus longtemps chez leurs parents. Du coup, l’arrivée des enfants est plus tardive, ce qui influe sur la taille des familles. Les familles très nombreuses, c’est-à-dire de quatre enfants et plus, ne représentent plus que 4,5 % contre 8,1 % en 1982. La part des familles de trois enfants a également diminué passant de 15,2 % à 13,4 % sur la même période.

RCL : Quel regard portez-vous sur ces transformations?

M.V. : La situation familiale a une incidence majeure sur le niveau de vie des familles. On constate qu’une rupture conduit à un appauvrissement notamment du parent qui a la garde des enfants, et dans une moindre mesure de l’ex-conjoint.Pour les familles monoparentales avec deux enfants en moyenne, le taux de pauvreté est extrêmement élevé, supérieur à 40 %. Un enfant sur cinq, en France, vit en dessous du seuil de pauvreté alors qu’il est de 14 % chez les adultes. Le risque est que cet état perdure dans le temps. La clé pour sortir de cette spirale est l’emploi qui détermine le niveau de vie des familles. Ainsi, le taux de pauvreté des enfants dépasse 70 % quand aucun des parents ne travaille, quelle que soit la configuration familiale. Mais comme le nombre de parents en emploi varie selon la configuration familiale, il en est de même pour le niveau de vie. Le niveau moyen des enfants vivant avec un parent isolé est ainsi inférieur de 35 % par rapport à celui de ceux vivant avec leurs deux parents. L’étude montre également que le taux de pauvreté croît avec le nombre d’enfants pour toutes les configurations familiales. Si les prélèvements fiscaux sont sans effet sur les inégalités de niveau de vie, les prestations familiales, elles, ont un impact significatif sur le niveau de vie, notamment à partir de trois enfants pour les couples et de deux enfants pour les parents isolés. Les aides au logement, les minima sociaux et la prime d’activité améliorent aussi le niveau de vie des familles monoparentales. Mais malgré la redistribution opérée par le système socio-fiscal, pour un couple avec deux enfants, le niveau médian atteint 83 % de celui d’un couple sans enfant. Mais pour un couple avec trois enfants, il atteint seulement 64 %.

RCL : Au fil du votre rapport, on s’aperçoit que les femmes sont les premières exposées à la précarité et à la pauvreté; comment l’expliquez-vous ?

M.V. : D’abord, parce que le salaire des femmes à niveau de diplôme et d’emploi équivalents que les hommes les naissances se font du mariage gagnent moins. Ensuite, elles représentent 83 % des parents à la tête d’une famille monoparentale. Ce qui rend l’accès à l’emploi, compte tenu des contraintes de garde d’enfants, encore plus difficile. Elles sont sur-représentées dans les centres urbains et elles sont très présentes dans les quartiers de la politique de la ville, en lien avec la forte présence de logements sociaux. Pour ces femmes seules avec enfants, le taux d’effort pour le logement est plus élevé malgré les aides, ce qui laisse un reste à vivre hors logement plus faible. À cela s’ajoute qu’un tiers des parents qui n’ont pas la garde déclarent ne pas verser de pension alimentaire. Résultat : le niveau de vie des enfants vivant avec un parent isolé est inférieur en moyenne d’un quart à celui des enfants de familles recomposées.

RCL : Cet examen de la situation des différentes configurations familiales a conduit le Conseil de la famille à émettre des propositions. Quelles sont-elles ?

M.V. : Parmi les neuf grandes mesures que nous préconisons, je citerai celle qui consiste à favoriser l’insertion professionnelle des parents isolés en renforçant le soutien en matière d’accompagnement social et professionnel des mères de jeunes enfants au RSA ou au chômage pour les aider à sortir durablement de la pauvreté en leur proposant un accompagnement spécifique. En parallèle, il faudrait développer des crèches « à vocation d’insertion professionnelle » et renforcer les partenariats entre les CAF et Pôle emploi pour faciliter l’accueil des jeunes enfants.

Propos recueillis par Danièle Licata

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