« La qualité de vie est dans les villes moyennes »

L'élu et le citoyen
07 juin 2019

À la veille du congrès annuel qui se tiendra du 12 au 14 juin, à Albi (81), Caroline Cayeux, présidente de l’association Villes de France, qui rassemble les communes de 10 000 à 100 000 habitants, nous a décrypté, en avant-première, les grands thèmes qui seront abordés à l’occasion: autonomie financière des collectivités, relations villes-métropoles, « Action cœur de ville »... Rencontre avec la maire de Beauvais.

RCL: « Mieux vivre au quotidien dans les grandes villes », c’est le thème du congrès 2019 ? Pourquoi ?
Caroline Cayeux: C’est ce qui ressort du baromètre des territoires que nous avons publié avant même que n’éclate la crise des « Gilets jaunes », en partenariat avec la Banque des territoires, qui témoigne du fort attachement des Français à leur territoire et aux modes de vie associés. Mais en parallèle, l’étude révèle aussi que les habitants des villes moyennes se sentent délaissés. Ils ont le sentiment que tout est fait pour les métropoles, qui cumulent les richesses, les équipements et les services, notamment de santé, d’enseignement supérieur ou de transport. Et pourtant, 87 % d’entre eux jugent « particulièrement agréable » la région dans laquelle ils habitent. Car si à certains égards nos villes souffrent, elles disposent pourtant de leviers d’attractivité : des communes à taille humaine, qui offrent tranquillité et sécurité.
Ce congrès sera l’occasion de les valoriser, mais également de revenir sur le programme « Action cœur de ville » et de dessiner, au-delà de sa déclinaison opérationnelle, la seconde étape. Et puis, nous aborderons l’autonomie financière des collectivités territoriales, qui, pourtant garantie dans la Constitution, semble être, à bien des égards, malmenée: transferts de compétences, réformes fiscales, fléchage des dotations d’investissement...

Quels liens les métropoles entretiennent-elles avec les villes de plus petite taille ?
C.C. : Les métropoles ont polarisé bon nombre de richesses et d’emplois. Pourtant, les villes moyennes peuvent être aussi des pôles de centralités, pourvoyeurs de services publics pour elles et tous les territoires périurbains et ruraux qui les entourent. Elles sont donc un atout indispensable pour le dynamisme de l’ensemble de notre pays. Elles doivent être des locomotives pour notre économie. C’est tout l’enjeu de « l’Action cœur de ville » mis en place, en mars 2018, qui a permis de remettre au centre de l’attention les villes moyennes. Avec 5 Md€ mis à disposition pour redynamiser le logement et le commerce. Et dans ce grand projet, le rôle des maires est central. Car désormais, il faut passer à la vitesse supérieure. C’est à nous d’agir pour que les métropoles irriguent les centres ruraux, c’est à nous de faire le lien entre le monde urbain et le monde rural pour que les villes moyennes deviennent des villes d’avenir, là où il fait bon vivre. N’oublions pas qu’elles sont riches d’un tissu industriel incarné par les très petites, petites et moyennes entreprises. Des TPE et PME qui innovent et qui recrutent ! En complément du label Territoires d’industrie qui s’adresse à 136 territoires industriels de France et qui attendent des financements concrets, il faut renforcer le maillage d’offre de formation d’apprentissage et d’enseignement supérieur en l’axant sur les besoins locaux et en laissant plus de latitude aux élus qui connaissent les besoins de leurs territoires.

Revenons à « Action cœur de villes »: les 222 conventions ont été signées. Où en est-on concrètement ?
C.C. : Le programme est entré dans la phase opérationnelle. Le plan « Action cœur de ville » s’articule autour d’un ensemble de mesures pour aider les communes et les intercommunalités à mobiliser l’expertise et les ressources nécessaires à leurs projets, notamment en simplifiant et en facilitant leurs démarches via un guichet unique pour les demandes de financement. Il propose également des mesures en faveur des commerces, activités économiques et de services; les propriétaires et les locataires en centre-ville; les promoteurs immobiliers et les bailleurs, ainsi que les résidents et les visiteurs. Aujourd’hui, les aides de la Caisse des dépôts, d’Action logement et de l’Agence nationale de l’habitat (Anah) ont été débloquées, ce qui a permis le lancement de travaux dans bon nombre de villes. Mais nous voulons aller plus loin et plus vite en cherchant à promouvoir dans nos territoires des solutions locales liées au logement, aux commerces, à l’aménagement urbain et au dyna- misme économique. Et, bien sûr, nous cherchons aussi à développer toutes les solutions locales liées aux mobili- tés, pour faire de ces villes des axes forts de développe- ment. Et à ce titre, je me réjouis que le gouvernement ait fait une pause dans son développement du TGV pour se vocaliser un peu plus sur le transport au quotidien des milliers de Français qui se déplacent pour se rendre sur leur lieu de travail.

Les moyens des maires s’assèchent alors que les populations ont de plus en plus besoin de services publics. Comment résoudre l’équation ?
C.C. : Je constate aujourd’hui que nos villes sont vertueuses en matière de dépenses. Elles ont accepté la contractualisation et gèrent donc leur budget à l’euro près. Pour autant, elles continuent à assurer du mieux possible la qualité des services publics tout en s’adap- tant aux nouvelles normes et aux nouveaux besoins de leur population. À Beauvais, l’an dernier, les dépenses n’ont augmenté que de 0,42 % alors que les Beauvai- siens sont plus nombreux. En matière d’autonomie financière, les collectivités territoriales souffrent d’une réelle remise en cause. Transferts de compétences, réformes fiscales – dont la taxe d’habitation –, fléchages des dotations d’investissement... la gestion pour les élus se complique. Sans compter que cette question fiscale reste toujours floue et force est de constater que le compte n’y est pas. Or, un point crucial demeure pour les élus locaux : quel est le scénario de remplacement de la taxe d’habitation qui représente 20 Md€, soit le tiers des recettes fiscales du bloc communal? C’est pourquoi, dans nos propositions que nous aborderons lors du congrès, nous demandons qu’une partie de la TVA nous soit reversée.

Comment offrir aux populations un logement accessible et qui correspond à leurs attentes ?
C.C. : Lutter contre l’étalement urbain, qui est le résultat du modèle pavillonnaire tant apprécié des Français, mais aussi du développement des zones commerciales périphériques, est un moyen de redynamiser les centres et d’apporter une réponse en matière de logements, mais également d’accès aux services publics. En réhabilitant le centre-ville, on relève bon nombre de défis: celui du changement climatique en faisant de nos cités de véritables villes durables et innovantes; celui de la mobilité, en rendant ainsi les populations plus autonomes, et, bien sûr, celui de l’accès aux services publics en tête desquels la santé, l’enseignement et la culture. La ville moyenne de demain a un grand avenir. Mais parallèlement, les politiques du logement décidées par l’État doivent s’inscrire dans la durée afin de rassurer les ménages et les investisseurs. Il est urgent également d’assurer l’avenir du logement social.

Quel message souhaiteriez-vous adresser au gouvernement?
C.C. : Faites-nous confiance. Nos villes sont de formidables laboratoires d’innovations et d’expérimentations. Il existe aujourd’hui trop de freins réglementaires qu’il convient de lever pour que toutes puissent se tourner résolument vers l’avenir.

Propos recueillis par Danièle Licata

Paroles de maires

RCL
Question :
Un maire, donc OPJ, peut-il l’être en dehors de sa commune ?
Réponses :
Non, il est élu OPJ sur sa commune.
Tous les pouvoirs du Maire en tant que représentant de l'Etat ne lui sont octroyés que sur son territoire.
Non uniquement dans la commune où il est élu maire.

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