"La démocratie locale est la garante de la cohésion sociale"

L'élu et le citoyen
08 février 2019

La 9e édition du « World Mayor 2018 » met à l’honneur les femmes maires à travers le monde. Parmi les 27 noms retenus, Nathalie Appéré, la maire de Rennes, qui nous a chaleureusement ouvert ses portes. Elle nous livre ses réactions, évoque la transformation de sa ville, vante le budget participatif, insiste sur la nécessité de développer de nouvelles solidarités pour enfin afficher ses ambitions pour Rennes, alors que se profilent les municipales de 2020.

RCL: Vous faites partie des 27 élues femmes issues de 24 pays qui sont en liste pour le prix mondial des Maires 2018. Pour la première fois, il ne récompen- sera que les maires femmes! Cette nomination vous surprend-elle?
Nathalie Appéré: Au-delà de la surprise, cette nomi- nation est la reconnaissance du rôle de maire qui est de porter une attention quotidienne aux attentes de ses administrés et de contribuer au bien-être de sa ville. Au moment où l’exécutif redécouvre notre rôle, cette nomi- nation est une récompense précieuse pour notre territoire.

Les Assises nationales de la citoyenneté organi-
sées par Ouest-France sur le thème « L’égalité des chances » viennent de se terminer : deux jours de débats pour faire émerger des solutions. Décidément les débats sont à la mode!
N. A.: Rennes est une ville profondément attachée aux débats, au dialogue et au consensus. Ces échanges nous permettent d’expérimenter le renouveau démocratique. D’ailleurs, j’ai placé mon mandat sous le signe de la « fa- brique citoyenne ». Un moyen d’associer les citoyens, en particulier ceux éloignés de la vie de la cité, aux politiques publiques de Rennes. La ville a mis en place cette année son 4e budget participatif. Pour encadrer le mécanisme avec rigueur, nous avons adopté la Charte de la démocratie locale qui rappelle notamment les grands principes du débat citoyen. L’usager est deve- nu un acteur. Le vivre ensemble en bonne intelligence est une réalité à Rennes grâce au travail de plus de 6000 associations sur lesquelles nous comptons, nous, élus, au quotidien.

Pensez-vous que le système éducatif ré- ponde à vos aspirations d’égalité de droit que vous revendiquez?
N.A.: L’éducationestuneprioritépourédi- fier une société égalitaire. À Rennes, « Ville éducatrice », elle est le premier budget de la collectivité: 100 M€ investis sur cinq ans pour garantir l’extension et l’amélioration de nos groupes scolaires. Nous portons nos ef- forts tout particulièrement sur la maternelle. Nous proposons 1 400 ateliers périscolaires. Nous avons ouvert des classes orchestres dans les quartiers populaires, pour que chaque enfant du cycle 3 élémentaire puisse s’ouvrir à la musique. Nos moyens sont aussi concentrés sur l’accompagnement prioritaire. Le maintien de la semaine à quatre jours et demi est plus propice, à mon sens, à l’apprentissage extrascolaire. J’ai été marquée par la lecture, de « la fabrique de la défiance », où les auteurs Yann Algan, Pierre Cahuc et André Zylberberg pointent du doigt notre système éducatif tourné vers la compé- tition plus que vers la coopération.

Rennes, la ville où il fait bon étudier? Que proposez-vous à la jeunesse?
N.A.: Un Rennais sur deux a moins de 30 ans et nous comptabilisons pas moins de 70000 étudiants dont 7 000 étrangers. Notre rôle est multiple. D’abord, nous avons pris le parti de soutenir les projets des jeunes dans leur ensemble, en leur donnant des coups de pouces et en leur faisant confiance. Sur un autre re- gistre, pour leur garantir de vivre dans de bonnes condi- tions, nous avons mis en place une politique de l’habitat proactive afin que les loyers leur soient accessibles, mais également des tarifications sociales et solidaires, depuis les transports jusqu’à la gratuité des premiers mètres cubes d’eau. Et dernièrement, nous avons décidé d’étendre la carte « sortir ! » aux dix mille étudiants les plus modestes de la métropole pour leur faciliter l’accès aux loisirs, à la culture et aux sports.

Vous travaillez depuis 2014 pour que le territoire rennais accélère, change de dimension. Quel bilan dressez-vous?
N.A.: La dynamique de transformation de la ville est exceptionnelle et même inédite. Parmi les chantiers emblématiques, je citerai la ligne à grande vitesse qui met Rennes à 1h25 de Paris, le Couvent des jacobins que nous avons complètement rénové, pour en faire un centre de congrès, la nouvelle gare que nous allons inau- gurer cette année et la 2e ligne de métro qui sera mise en service en 2020. Ce sont aussi pas moins de 500 M€investis dans la rénovation urbaine sur deux quartiers. Sans compter le nouveau CHU pour un coût de 550 M€. Depuis le début du mandat, la ville et la métropole ont investi plus d’1,4 Md€ pour que le territoire change de dimension et pour accompagner la dynamique démo- graphique. La seule ville de Rennes comptabilise plus de 2000 habitants supplémentaires chaque année. Sur le plan économique, les clignotants sont au vert. Le chômage se stabilise à 6,5 %, soit le plus bas taux des grandes métropoles, grâce à la diversité de notre tissu économique: agroalimentaire, numérique avec des pôles d’excellences notamment dans le domaine de la cybersécurité. Le digital génère à lui seul la création de plus de 1000 emplois chaque année. Nous développons une économie qui fait largement le pari de l’innovation en s’appuyant sur nos laboratoires de recherche et nos universités. Et nous sommes très attentifs à ce que cette dynamique profite à tous et ne laisse personne sur le bord du chemin.

Quelle réponse territoriale apportez-vous aux enjeux de l’habitat?
N.A.: L’habitat est une priorité du territoire rennais de- puis 40 ans. Notre ambition est de garantir un logement à tous ceux qui souhaitent vivre à Rennes. Elle passe par un programme local de l’habitat, qui est basé sur un fort niveau de construction. Sur la métropole, nous avons livré 5500 logements l’an dernier. Et aujourd’hui, on comptabilise pas moins de 84 grues dans le ciel de Rennes. Seulement construire n’est pas suffisant. Il faut aussi construire des logements très différenciés. Concrè- tement, à Rennes, sur 100 logements produits, 25 sont des HLM, 15 sont des logements en accession sociale avec un prix bas, 20 sont des produits régulés, à savoir encadrés, et le reste est en prix libres. On accompagne cette dynamique de construction par une politique de rénovation urbaine, pour maintenir la qualité de l’offre existante. Cette politique proactive porte ses fruits. Nous avons zéro procédure Dalo sur le territoire rennais.

Avez-vous des besoins nouveaux de services publics et comment comptez-vous les financer?
N.A.: Les besoins en nouveaux services sont particuliè- rement liés à la dynamique démographique. Avec 2 000 habitants en plus chaque année, ce sont, par exemple, 400 places en crèches à créer! Sauf que la contractuali- sation que nous avons signée, tout en dénonçant ses tra- vers, nous contraint à l’arbitrage, même si les recettes sont bonnes. Conserver des services publics qui sont les piliers de notre cohésion sociale tout en maintenant une dynamique forte d’investissement, nous contraint à une gymnastique permanente.

Quel message adresseriez-vous au gouvernement?
N.A.: Faites-nous confiance. Des solutions et des hori- zons mobilisateurs s’inventent sur nos territoires. Sur les grandes questions que sont le réchauffement clima- tique, la justice sociale ou le réenchantement démocra- tique, de belles choses émergent dans nos villes. Ce que l’on veut c’est pouvoir continuer à les expérimenter.

Propos recueillis par Danièle Licata

 

BIO EXPRESS

2001-2008
Adjointe au maire de Rennes (35), chargée de la Vie associative, et conseillère communautaire de Rennes Métropole.
2002-2012
Députée suppléante de la 2e circonscription d’Ille-et-Vilaine.
2008-2012
1re adjointe au maire de Rennes, déléguée à la Solidarité. Vice-présidente de Rennes Métropole.
2012-2017 Députée de la 2e circonscription d’Ille-et-Vilaine.
Depuis 2014
Maire de Rennes.
2015
Présidente de l’Agence na- tionale de l’habitat (Anah)

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Question :
Un maire, donc OPJ, peut-il l’être en dehors de sa commune ?
Réponses :
Non, il est élu OPJ sur sa commune.
Tous les pouvoirs du Maire en tant que représentant de l'Etat ne lui sont octroyés que sur son territoire.
Non uniquement dans la commune où il est élu maire.

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