DÉCRYPTAGE. Le 5 novembre, les numéros 63 et 65 de la rue d'Aubagne, à Marseille, s'effondraient emportant DR avec eux huit personnes. Alors que la ville s'interroge sur les responsabilités de chacun, RCL fait le point avec Jérôme Baloge et Robert Ménard respectivement maires de Niort (79) et Béziers (34), sur les dispositifs juridiques DR applicables, et les outils déployés dans leur ville pour lutter contre l'habitat indigne et les marchands de sommeil.
Alors que les normes de construction et d'habitabilité évoluent, quelle définition donnez-vous à l'habitat indigne?
Jérôme Baloge : L'habitat indigne recouvre toutes les situations d'habitat constituant un déni au droit au logement, une atteinte à la dignité humaine, et présentant des risques en matière de santé, de sécurité et d'incendie. Il concerne environ 420 000 logements en métropole selon l'Agence nationale de l'habitat (Anah), loués généralement à des ménages précaires par des propriétaires bailleurs, souvent des marchands de sommeil, ou par des propriétaires impécunieux.
Comment lutter contre l'habitat indigne?
Robert Ménard : La lutte contre l'habitat indigne relève des pouvoirs de police administrative exercés par, nous, les maires, notamment les polices spéciales des immeubles menaçant la sécurité à usage principal d'habitation, mais également de la police de l'hygiène et des préfets au titre de la police spéciale de la santé publique liée à l'insalubrité relative aux locaux impropres à l'habitation.
Comment vos actions se traduisentelles concrètement ?
J.B. : Nous avons lancé des opérations d'amélioration de l'habitat qui nous ont permis de réhabiliter 300 logements dans le centre, particulièrement touchés par l'insalubrité. Ce dispositif fonctionne avec l'État et l'Anah.
Au-delà de ces actions ponctuelles, se pose le problème de l'habitat indigne occupé. Et là nos actions se compliquent. Car nous constatons qu'il y a de moins en moins de locataires qui signalent l'indignité de leur logement, souvent par peur de se retrouver sans logement.
Saisir le tribunal est-elle une procédure que vous utilisez ?
R.M. : Nos actions se font bien souvent dans l'urgence, notamment dans le centre-ville, où nous avons été amenés à lancer des procédures de péril imminent. On demande alors aux propriétaires de procéder à leur réhabilitation afin de pouvoir remettre leurs biens à la location. Mais bien souvent, ils sont, soit très éloignés de leur patrimoine, soit dans l'impossibilité financière de lancer les travaux. Nous avons aussi, en dernier ressort, la possibilité de saisir le tribunal pour obtenir l'autorisation de démolir. Des procédures longues et coûteuses, mais grâce au Fonds Barnier (fonds de prévention des risques naturels majeurs), destiné aux communes et communautés faisant face à un sinistre et pour lesquelles des travaux préventifs sont nécessaires pour leur sécurité, nous pouvons mener à terme nos actions.
Le permis de location est-il un outil qui fonctionne ?
J.B. : Dans la Colline Saint-André qui compte de nombreux petits logements dans des immeubles anciens, parfois dégradés, dont la majorité en location, mais également dans le secteur du haut de la rue Saint-Gelais, ainsi que quatre adresses proches du centre, les propriétaires bailleurs devront désormais obtenir une autorisation de mise en location avant la signature de chaque contrat. Il ne s'agit en aucun cas d'entraver la liberté des propriétaires à disposer de leur bien immobilier, mais de protéger les locataires en évitant que se trouvent sur le marché des logements pouvant porter atteinte à la santé et à la sécurité de ceux qui y vivent. La demande d'au-torisation consistera en un dépôt de dossier à la communauté d'agglomération préalablement à la signature de chaque contrat de location. Au cours de l'instruction (un mois maximum), si un doute subsiste, le logement fera l'objet d'une visite du Service communal d'hygiène et santé (SCHS) de la ville. Si le logement est jugé impropre à la location, le propriétaire pourra bénéficier de subventions de l'OPAH-RU pour effectuer les travaux de réhabilitation. Des sanctions pouvant aller jusqu'à 15000 € seront appliquées aux contrevenants.
Comment intervient l'Anah ?
R.M. : Notre centre-ville s'est considérablement appauvri et les logements sont mal entretenus. Les propriétaires ne font pas face à leurs obligations et les locataires, pour la plupart, sont dans une grande souffrance financière. Or tout le monde a le droit de vivre dans un logement décent. Grâce à l'Anah nous avons mis en place des aides pour favoriser leurs réhabilitations. Et « Action Coeur de Ville » nous a permis à faire revenir les promoteurs qui depuis des années préfèrent construire en dehors de la ville. Or il est indispensable de reconstruire notre centre-ville pour attirer les habitants au coeur de la cité.
Les outils dont vous disposez sont-ils efficaces ?
J.B. : Oui, mais à condition de ne pas descendre la garde et faire preuve d'une détermination permanente. Le rôle de veille se complique dans les grandes villes. Reste que les procédures d'expropriations sont encore bien trop longues. Elles prennent parfois des années. Or le processus de dégradation est rapide. Il faut réduire les délais judiciaires pour gagner en efficacité.
HABITAT INDIGNE
TROIS DISPOSITIFS RÉPRESSIFS
1 Une présomption fiscale de revenus issus des logements indignes à l'encontre des marchands de sommeil.
2 L'interdiction d'acquérir de nouveaux biens immobiliers pour une durée pouvant aller jusqu'à dix ans.
3 La simplification des procédures de lutte en centralisant les compétences à l'échelle intercommunale, et en donnant plus de pouvoir aux maires.
À RETENIR
650 M€ C'est le montant d'aides accordées en 2017 par l'Anah.
80 720 logements sont rénovés grâce à ces aides.
74 % des logements rénovés sont occupés par des propriétaires très modestes.
Source: Anah.
Propos recueillis par Danièle Licata
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