Il est temps que la Bretagne soit reconnue par l’État

L'élu et le citoyen
08 juillet 2019

À quelques jours de la 28e édition du festival des « Vieilles Charrues », qu’il a créé avec quelques amis,Christian Troadec, depuis dix-huit ans maire de Carhaix-Plouguer (29), sa ville natale, ex-acteur du mouvement des « Bonnets rouges » et propriétaire du Journal de Bretagne lancé en avril 2019, nous a reçus en avant-première. Entretien avec un Breton aux idées bien arrêtées.

RCL: Présentez-nous votre ville?
Christian Troadec: Carhaix est située au cœur de la Bretagne, à moins d’une heure de route des principales villes bretonnes. La ville bénéficie d’une situation stratégique et d’un environnement exceptionnel entre montagnes Noires et monts d’Arrée. Capitale du Poher (« joli pays » en breton), elle est l’une des plus anciennes cités de l’Ouest, construite il y a plus de 2000 ans par les Romains. Poumon économique du Centre-Bretagne, Carhaix est une ville d’un peu plus de 8000 habitants. Elle offre aux entreprises une position stratégique grâce à un équipement commercial (plus de 250 commerces) et services qui ne cesse de s’étoffer. Sans oublier notre spécificité que sont les activités agricoles et agroalimen- taires et le tissu associatif avec plus de 200 associations proactives.

Vous avez demandé au gouvernement de bénéficier d’un régime particulier...
C.T. : En effet, nous souhaitons que la région obtienne un statut particulier du fait de sa péninsularité, afin de pouvoir disposer pleinement d’un pouvoir politique et de plus de moyens financiers. La Bretagne a une spécificité de par son histoire. Il est temps que celle-ci soit reconnue et que les moyens de son développement lui soient accordés par l’État qui a totalement recentralisé les mannes financières. Aujourd’hui, les ressources fiscales sont quasiment inexistantes. La dernière, la taxe d’habitation, nous a été confisquée, et en dehors du débat sur son maintien ou non, le manque de moyens finan- ciers ne permet plus aux collectivités d’entreprendre les investissements nécessaires à leur développement. Pour autant, il nous faut afficher un budget, chaque année, en équilibre. Pour y parvenir, nous surveillons de près nos dépenses de fonctionnement. Nous avons également développé de nouvelles activités qui sont sources de revenus fiscaux. Et puis, nous mutualisons nombre de services avec la communauté de communes. Une démarche vertueuse, puisque nous parvenons ensemble aujourd’hui à équilibrer nos budgets, à dégager des excédents financiers importants et à mener ainsi des projets pour que la ville reste attractive.

La ville accueille nombre d’événements, dont celui qui la fait rayonner dans toute l’Europe, les « Vieilles Charrues ». Comment est né ce festival ?
C. T.: L’autre atout de Carhaix est son sens de l’hospitalité. La ville accueille de nom- breuses manifestations et notamment le festival des « Vieilles Charrues », dont la 28e édition se déroulera du 18 au 21 juillet 2019, avec entre autres Black Eyed Peas, Iggy Pop, Ben Harper, David Guetta, Skunk Anansie et 6000 bénévoles sur le pont. Tout a commencé par un pied de nez aux manifestations de vieux voiliers au bord du littoral. En réponse, nous voulions montrer que, dans les terres, il était possible aussi d’organiser un rassemblement. Nous avons démarré par une kermesse au bord de l’eau avec peu de musique et beaucoup de bonne franquette, des grillades et des jeux, notamment le « tirer de charrues ». La 1re édition a réuni 500 personnes, principalement des potes de potes. Une expérience que l’on a réitérée l’année suivante en ouvrant la manifestation au public. Aussi, plus question de s’arrêter. En 1994, en plus des jeux et animations, on a organisé un grand concert. Le succès a été tel que l’événement, faute de place, s’est déplacé au centre-ville, puis, en 1998, sur le site de Kerampuilh. Et la kermesse est devenue alors un véritable concert rassemblant aujourd’hui quelque 280000 personnes. Ce qui en fait le premier festival de musique en France. Cette manifestation est un coup de projecteur extraordinaire, avec des retombées médiatiques et économiques considérables. Mais, au-delà de l’aspect financier non négligeable, l’événement a redonné à l’ensemble de la population sa fierté. N’oublions pas que la ville a souffert économique- ment dans les décennies 1980, 1990 et 2000.

Comment parvenez-vous à gérer une telle manifestation?
C. T.: Grâce à l’association et à ses membres perma- nents qui fournissent un travail de qualité tout au long de l’année, mais également grâce au soutien
des 6000 bénévoles, des services de l’État – je pense à la gendarmerie, au service de l’équipement, mais égale- ment aux pompiers et à la Sécurité civile, qui, ensemble, coordonnent et gèrent la sécurité. On crée les conditions d’accueil exceptionnelles pour les festivaliers. Et pour le logement, les campings s’organisent.

À quelques mois des municipales, avez-vous dressé un premier bilan?
C. T.: Nous sommes très attentifs à ce qui a été réalisé. Au bout du 3e mandat, on a le sentiment que la ville a bien progressé. Même s’il nous reste encore des chantiers à lancer, nous offrons aux populations un bilan à la hauteur de leurs espérances. Notre grande ambition étant de maintenir la ville dans son rôle de petite capitale de région. Ce n’était pas gagné, car les difficultés étaient de taille en termes démographique et économique. Tout en baissant les impôts de 10 %, nous avons développé un niveau de services aux populations important. À notre actif: une maison de l’enfance, un foyer pour personnes âgées, un golf, un centre équestre, une salle de spectacle de 700 places, une piscine lu- dique... Mais ce qui est formidable, c’est qu’à Carhaix, le lien social entre les différentes populations est très fort. Ce qui m’autorise à dire qu’il y fait bon vivre!

Quelle est la particularité de Carhaix-Plouguer ?
C. T.: Entre autres, 35 % de nos enfants scolarisés le sont en classe bilingue, français-breton. Et nous avons le seul lycée en Bretagne en langue bretonne !

Vous avez signé la convention « Action cœur de ville ». La phase opérationnelle a-t-elle démarré?
C. T.: D’abord, nous souhaitons remercier les parte- naires de la région et de l’État qui ont salué l’intelligence du projet. La redynamisation du centre-ville est basée sur un projet culturel et touristique. La première étape, qui a démarré, passe par les fouilles archéologiques sur un plateau de 160 ha. Il y a quelques jours, nous avons découvert le mur d’un immense bâtiment public. Nous avançons aujourd’hui pas à pas, et nous espérons restaurer et mettre en valeur toutes nos découvertes pour les intégrer dans une démarche touristique et culturelle globale. Nous avons créé un centre d’archéologie, il y a un an, qui a déjà accueilli 15000 visiteurs. Finalement, les populations attendent qu’on leur raconte une histoire! Les remontées sur les commerces ont été immédiates.

Quel message souhaiteriez-vous adresser au gouvernement?
C. T.: Que l’État décentralise et qu’il fasse confiance
aux territoires. Qu’il nous donne la capacité de pouvoir mener nos projets et qu’il autorise la création d’un par- lement unique de Bretagne. Enfin, que le gouvernement apporte aux concitoyens des réponses concrètes.

Propos recueillis par Danièle Licata

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Question :
Un maire, donc OPJ, peut-il l’être en dehors de sa commune ?
Réponses :
Non, il est élu OPJ sur sa commune.
Tous les pouvoirs du Maire en tant que représentant de l'Etat ne lui sont octroyés que sur son territoire.
Non uniquement dans la commune où il est élu maire.

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