À l’heure d’attaquer la dernière ligne droite de son premier mandat à la tête de la région Normandie, Hervé Morin affiche fièrement un bilan positif. C’est lors du Salon de l’Agriculture, au pavillon normand, où la Chambre régionale d’agriculture Normandie, la région et les départements ont fait stand commun – une véritable force de frappe –, que l’ex-ministre nous a reçus. Rencontre.
RCL : « Je viens d’ici », Normandie, que vous venez de publier, est un cri d’amour pour votre région ?
Hervé Morin : Oui, en quelque sorte. Ce livre est une itinérance, un appel à connaître la Normandie, au-delà du Mont-Saint-Michel, des parasols de Deauville ou des falaises d’Étretat. C’est un voyage vers une Normandie plus confidentielle, avec son savoir-faire, son artisanat, son industrie, ses produits, ses personnages… C’est la Normandie que j’ai découverte depuis que je suis président de région. Ce livre reflète aussi un côté plus intime puisque je suis issu d’une famille enracinée dans le terroir normand. Et, enfin, il est un message fort que j’envoie à ses habitants : soyons fiers d’être normands et crions-le ! Comportons-nous comme des Bretons. Et ce rayonnement, c’est d’abord aux élus de le porter en cherchant à mettre en valeur nos pépites et nos atouts. Maintenant que la Normandie est unie par une communauté de destin, il est temps de véhiculer des messages positifs. Et je m’y attelle. D’où vient ce déficit d’image ?
H. M. : La division de la Normandie – avec la Haute et la Basse – n’a pas permis de porter haut et fier cette identité commune rendue possible depuis 2015, grâce à la réforme. Aujourd’hui, l’ensemble des acteurs du territoire jouent le collectif avec l’engagement quotidien de la région à leurs côtés. Et les résultats sont probants : à Las Vegas, la Normandie était la deuxième délégation. Au Salon du Bourget, on a dénombré pas moins d’une centaine d’exposants qui portaient ensemble les couleurs de notre région.
Quel bilan dressez-vous depuis que vous êtes à la tête de la région ?
H. M. : D’abord, durant ces dernières années, j’ai cherché à bâtir ce sentiment d’appartenance. Aujourd’hui, il existe et il est palpable. Sur le plan économique, 2019 montre des performances qui sont le fruit de l’ensemble des actions de la région autour de l’attractivité et du rayonnement avec une agence de développement, bras armé de la région au service des entreprises, qui déploie bon nombre d’outils innovants. Je pense, par exemple, au fonds d’investissement régional doté d’un capital de 100 % région d’un montant de 200 M , au dispositif unique d’accompagnement à la création d’entreprises, « Ici, je monte ma boîte », au premier accélérateur à l’export en France, mais aussi à l’outil pour les entreprises en difficulté qui a permis de sauvegarder 12 000 emplois en trois ans. Résultat : la région, qui se tenait toujours dans les profondeurs des classements nationaux, surperforme dans bien des domaines. Avec 4,9 % de croissance en 2019, les activités industrielles se dressent au premier rang national. Les créations d’entreprises ont progressé sur la même période de 19,7 % contre 16,6 %, et les défaillances d’entreprises reculé de 19,7 % contre 9,2 % par rapport à la moyenne française. Quant à l’investissement industriel, nous faisons deux fois mieux que la moyenne nationale avec un bond de presque 9 % l’an dernier. Du coup, le taux de chômage recule de 1 % de plus par rapport à l’ensemble du pays, avec une baisse de 4,2 %, alors que la région a subi, des décennies durant, un chômage de masse dû à sa désindustrialisation.
Revenons sur les performances économiques : en 2019, l’activité industrielle affichait une croissance de 5 %. Aujourd’hui, quels sont les leviers du secteur ?
H. M. : Avant tout l’investissement, mais également les secteurs porteurs comme l’aéronautique, fer de lance du secteur industriel. Les énergies marines renouvelables sont aussi un secteur en forte croissance. Et puis, bien sûr, l’agroalimentaire. Du coup, le rythme des créations d’emplois s’accélère, avec 12 000 nouveaux postes à prévoir dans les prochains mois. Nous avons réussi à inverser la tendance. N’oublions pas que la Normandie, première région industrielle avec 21 % du PIB issus du secteur secondaire, quand la moyenne française est à 10 %, a payé très cher la désindustrialisation. Les catastrophes industrielles sont derrière nous, avec des industries qui se consolident grâce aux investissements, une plus grande ouverture à l’export et des secteurs innovants qui renforcent le tissu industriel de la région.
Qu’est-ce qui est mis en place pour que cesse le cauchemar des milliers de Normands qui prennent le train au quotidien ?
H. M. : L’accord que nous avons mis en place avec Manuel Valls, en 2016, va dans ce sens, car l’État et la SNCF reconnaissaient avoir une dette envers la région. J’ai donc proposé de nous confier la gestion des trains Intercités, pour lesquels l’État n’avait clairement aucune ambition. Car, ne nous voilons pas la face ; à l’époque, l’objectif était de réduire progressivement le service. Depuis le 1er janvier, la gestion des grandes lignes normandes est ainsi devenue une compétence de la région avec, en contrepartie, un grand plan d’investissement de 2 Md financé à hauteur de 1,2 Md par l’État et le reste par la région. C’est énorme. L’objectif étant de relancer l’offre ferroviaire et, d’ailleurs, d’ici 2021, celle-ci augmentera de 20 trains en Normandie !
Quels sont les points faibles de la région ?
H. M. : Indéniablement l’enseignement supérieur. L’université de Normandie est la seule structure à ne pas avoir réalisé sa fusion. Les présidents des universités de Caen et de Rouen s’y sont engagés. Nous souffrons clairement d’un manque d’attractivité majeur. Nos étudiants au niveau master quittent la région au profit de l’Île-de-France ou de la Bretagne, alors que ceux de ces régions ne choisissent pas la Normandie pour étudier. D’une façon plus générale, le taux de réussite au bac est plus faible que le national et nous comptabilisons plus de jeunes sans qualification et sans formation.
Comment l’expliquez-vous ?
H. M. : La population est peu mobile et nous dénombrons moins de CSP+. Mais, surtout, nous accusons un déficit culturel de l’ambition qu’il nous faut désormais bâtir autour de l’orientation. Nous avons créé une agence de l’orientation, active depuis le 1er janvier, pour lutter contre ce déterminisme social qui est terrible. Il faut que les jeunes acquièrent une meilleure estime d’eux pour ambitionner des études supérieures. Nous avons également mis en place un système de tutorat pour que les bons élèves soient soutenus et bénéficient d’un réseau dont ils manquent cruellement. Pour cela, chaque lycée doit développer un pôle d’excellence pour tirer leur établissement vers le haut, ce qui profitera aux établissements universitaires.
La décentralisation, vous y croyez encore ?
H. M. : Pas avec ce gouvernement. Je pense qu’il ne se passera rien de réel et de sérieux sur le sujet. On est le seul pays au monde à ne pas avoir compris que les politiques de proximité sont les plus efficaces et que la démocratie se renforcera par des libertés locales permettant des politiques réellement participatives. Lorsque je construis la politique agricole de la région, je mets autour de la table dix groupes de travail dont, entre autres, 250 agriculteurs. Il en résulte une politique efficace reconnue par l’ensemble du monde agricole.
Quel message souhaiteriez-vous adresser aux maires ?
H. M. : On a besoin de vous.
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