TENDANCE. L’Insee commence à évaluer l’impact de l’épidémie de coronavirus et, surtout, du confinement sur l’activité et la croissance française. Et selon l’Institut de conjoncture, un mois de confinement ferait perdre 3 points de produit intérieur brut (PIB) à l’économie tricolore sur l’année. Explications.
Même si « un statisticien répugne à donner un résultat dont il n’est pas suffisamment assuré », de l’aveu de son directeur Jean-Luc Tavernier, dans sa première note de conjoncture après dix jours de confinement, l’Insee confirme les propos de Bruno Le Maire, ministre de l’Économie et des Finances: « Chaque semaine de confinement supplémentaire (...) a un impact sur notre croissance. » Avec l’appui pour ce faire de la Banque de France, du Groupement Cartes bancaires CB, de toutes les entreprises et fédérations professionnelles qui ont transmis des informations via la Direction générale des entreprises (DGE), France Industrie, le Mouvement des entreprises de France (Medef) et Rexecode, ainsi que l’Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE), l’Insee annonce donc la lourde sentence: l’activité est en recul de 35 %, et un confinement d’un mois aurait un impact « de l’ordre d’une douzaine de points de PIB trimestriel en moins, soit 3 points de PIB annuel ». Et deux mois de confinement auraient un effet double. Des chiffres encore plus pessimistes que ceux qui ont pu être publiés par d’autres instituts de prévision.
Sans surprise, le climat des affaires général dégringole. Il perd 10 points. Il s’agit de la plus forte baisse mensuelle de l’indicateur depuis le début de la série (1980). « En octobre 2008, après la faillite de Lehman Brothers, l’indicateur avait chuté de 9 points », notent les experts. Mais chaque secteur n’est pas logé à la même enseigne. Les indicateurs du climat des affaires se dégradent considérablement dans les services (-14 points). En effet, certaines branches sont très sévèrement touchées (transports, hôtellerie, restauration, loisirs...) tandis que d’autres le sont sans doute beaucoup moins (télécommunications, assurance, etc.). Même constat de baisse généralisée dans le commerce de détail (-13 points). La marche des affaires se détériore également dans le commerce de gros (-5 points) et dans l’industrie (-3 points). Quant à l’indicateur du climat de l’emploi, il connaît aussi sa plus forte chute (-9 points) depuis le début de la série (1991), en perdant 9 points. « Si le chiffrage n’est pas complètement exact, il semble également compatible avec la diminution observée de la consommation d’électricité, actuellement d’environ un cinquième par rapport à un fonctionnement “normal” de l’économie », selon l’Insee.
À partir des mesures mises en place pour le confinement – liste des commerces pouvant rester ouverts –, des re- montées des fédérations professionnelles, ainsi que des données quotidiennes liées aux transactions par cartes bancaires, la consommation des ménages se replie- rait très fortement, de l’ordre de -35 %. « La plus forte contribution à cette baisse résulte de l’effondrement de la consommation de nombreux biens de l’industrie manufacturière (-60 %), qui compte pour 18 points de cette baisse. Certaines dépenses de consommations se sont réduites au minimum, entre -100 % et -90 % (matériel de transport, textile, habillement). D’autres se main- tiennent (électricité, eau), voire augmentent légèrement (industrie pharmaceutique, +5 %) », peut-on lire. La baisse atteint 33 % pour les services marchands et même 56 % hors services immobiliers. A contrario, du fait du confinement et de la baisse de la consommation dans la restauration, la consommation des ménages en produits agricoles et agroalimentaires augmenterait de 6 %, réduisant la baisse totale de la consommation de 1 point.
Sans surprise, les répercussions de la baisse d’activité économique sur les recettes fiscales pourraient être sévères pour les régions, les départements et les communes qui se préparent à subir un choc financier avec l’épidémie. Un effet de ciseaux entre une baisse des recettes dues aux mesures de confinement et le surplus de dépenses se prépare. Mais, c’est au niveau fiscal que la chute s’annonce violente. Pour les régions, l’effet se fera sentir sur la fraction du produit de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) qui leur est transférée chaque mois, depuis 2018, en remplacement de la dotation globale de fonctionnement (DGF), « même si cette ressource bénéficie d’une garantie au niveau de la DGF de 2017 », redoutent les régions de France. Quant à la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE), leur première ressource, elle aussi devrait diminuer. Pour ce qui est des départements, la baisse du nombre de transactions immobilières, qui ont rapporté l’an dernier plus de 13 Md€ de droits de mutations à titre onéreux, se fait déjà ressentir.
Danièle Licata
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