En France, 19 000 communes servent 1 milliard de repas chaque année à 6 millions d’enfants qui déjeunent quotidiennement à la cantine. La restauration scolaire, au-delà de cristalliser de nombreux enjeux qui relèvent de l’hygiène, de la santé publique, de l’éducation et du social, est une source de dépenses grandissantes pour les collectivités. Mais pour Bruno Mougin, à la direction du contrôle de gestion de l’Ile-de France, des pistes existent pour gagner en performance.
RCL : L’UNICEF France estime que le droit de manger est inséparable du droit à l’éducation. La restauration scolaire comprend de nombreux enjeux pour les maires…
Effectivement. Elle englobe l’hygiène, la sécurité alimentaire, la santé publique, l’éducation alimentaire (éducation au goût, aux produits issus de l’agriculture biologique) mais également les problématiques sociales, voire même religieuses avec la question de l’égal accès de tous (la loi n°2017-86 du 27 janvier 2017 relative à l’égalité et à la citoyenneté pose le principe d’un droit pour tout enfant scolarisé), économique avec le coût du service. C’est bien le paradoxe de la cantine scolaire qui, bien qu’elle constitue dans les communes un « service facultatif », est un marqueur essentiel de la vie locale. Elle relève d’un service public local rattaché au service public national de l’enseignement, reconnu par l’ONU dans une recommandation du 18 juillet 1951 (recommandation issue d’une conférence internationale de l’instruction publique).
RCL…. D’autant que ce service concerne des millions d’enfants…
En effet, en France 6 millions d’enfants déjeunent quotidiennement à la cantine. 19 000 communes (soit 80% de leur nombre total) disposent d’un service de cantine. Un milliard de repas est servi chaque année. Et le secteur économique de la restauration scolaire représente 4,39 milliards d’euros de chiffre d’affaires.
RCL : Quel est le mode de fonctionnement administratif de ce service public ?
Il existe différentes modalités de gestion existantes dont le choix dépend de considérations politiques locales ou liées à d’autres problématiques telles que la présence d’une cuisine centrale sur le territoire communal. La Régie est un est fonctionnement dit « intégré » avec un personnel directement rattaché à la municipalité, qu’il soit fonctionnaire ou contractuel. La prestation de service ou la délégation de service public : dans le premier cas, la ville recourt à un prestataire par un marché public, dans le second cas elle confie la gestion du service à un tiers qui perçoit en partie ses recettes auprès des usagers du service ce qui doit lui occasionner une part de risque suffisante.
RCL : En matière d’accès à la cantine, quelles sont les obligations des maires ?
Le droit d’accès à la cantine relève d’un principe fondateur qui est systématiquement rappelé par le Juge lorsqu’il doit se prononcer sur des mesures pouvant restreindre l’offre alimentaire proposée. Cette position jurisprudentielle vient s’opposer à des décisions qui ont pu être prises par des Maires refusant, par exemple, pour des raisons « politiques » de défense de la laïcité, de ne pas proposer de repas de substitution à des élèves mangeant halal ou casher. En la matière, une commune de Saône-et-Loire avait décidé en 2018 de supprimer, dans ses cantines, les repas de substitution. S’agissant d’un sujet « sensible », cette décision avait été relayée par les médias à l’échelle nationale. Cela avait constitué une nouvelle occasion, pour le Juge administratif, d’annuler la décision du Maire en rappelant qu’en matière de restauration scolaire, invoquer le principe de laïcité ne suffit pas. De même, la position du Juge va également à l’encontre de décisions d’élus, prises cette fois pour des raisons économiques, et visant par exemple à refuser l’accès à la cantine d’enfants dont les parents ne se sont pas acquittés du prix des repas. Dans ces deux cas, la primauté est donnée par le Juge au principe de l’accès de tout enfant à un menu équilibré.
RCL : D’un point de vue financier, ce service est-il coûteux pour les collectivités ?
Le coût moyen d’un repas est de 7,33 €, alors que le montant répercuté aux familles dépasse rarement 3,5€ ou 4€. Ce service représente, avec le secteur scolaire, 85% des charges de fonctionnement des communes. Et la part du budget communal (plus de 7%) est grandissante. La régie qui comme je le disais précédemment, est un mode d’administration direct, qui représente 59 % des repas servis, génère plus de 6 % d’impayés. Quant au recours aux prestataires, selon la Cour des comptes, « les contrats sont souvent défavorables ». En effet, les communes ont des marges de négociation faibles par rapport aux acteurs économiques présents sur le marché et continuent à assumer la plus grande partie des risques d’exploitation. Notons que quatre géants captent 75% du chiffre d'affaires du secteur.
RCL : Existe t-il des pistes pour gagner en performance ?
Oui. Tout d’abord, les mairies peuvent revoir leur mode de gestion et profiter des périodes de renouvellement de contrats ou de délégations pour faire accepter un cahier des charges plus favorable aux intérêts qualitatifs et financiers de la commune. Ensuite, elles devraient procéder régulièrement, en cours de délégation, à des enquêtes de satisfaction et ne laisser aucune erreur du prestataire sans notification écrite et sans réponse demandée. Pour limiter les dépenses de fonctionnement elles peuvent, dans le cas d’une gestion directe décider de lutter contre les impayés, en majorant le tarif pour réservation tardive ou prépaiement des prestations. Enfin, il est recommandé de mutualiser les achats de denrées alimentaires pour faire baisser un secteur de dépenses représentant en moyenne 23% du prix de revient total. Une autre source d’économies.
Propos recueillis par Danièle Licata
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