DÉCRYPTAGE. Alors que se prépare l’acte 3 de la décentralisation dans un contexte en plein bouleversement de la fiscalité locale, avec la suppression de la taxe d’habitation sur les résidences principales, France Stratégie compare l’autonomie des collectivités locales françaises à celles de ses voisins européens. Verdict.
Le 25 avril 2019, à l’issue du Grand Débat national, le président de la République a déclaré vouloir ouvrir « le troisième acte de décentralisation » portant notamment sur le logement, les transports et la transition écologique. Un défi pour les collectivités locales, alors que la France, comparée à ses voisins européens, se singularise par une faible décentralisation des dépenses publiques ? C’est ce qui ressort de la récente étude Autonomie des collectivités territoriales : une comparaison européenne, publiée par France Stratégie – l’organisme d’études rattaché au Premier ministre. En effet, seulement 20 % des dépenses publiques sont payées par les administrations territoriales, contre 31 % en moyenne dans l’Union européenne. « Et rapportée au PIB, la dépense publique en France atteint 11,1 %, un niveau inférieur à celui de la moyenne européenne (14,4 %) », souligne France Stratégie.
« Au regard de ce ratio, la France apparaît globalement comme un pays moins décentralisé que ses voisins européens », constate François Ecalle, conseiller scientifique de France Stratégie et coauteur de l’étude. Mais peut-on juger la France sur un seul critère ? « C’est beaucoup trop réducteur. Pour la comparer sérieusement à ses voisins européens sur le plan de la décentralisation, il faut d’autres grilles de lecture », poursuit-il. À regarder les chiffres par grandes politiques publiques, il s’avère que DÉCRYPTAGE. Alors que se prépare l’acte 3 de la décentralisation dans un contexte en plein bouleversement de la fiscalité locale, avec la suppression de la taxe d’habitation sur les résidences principales, France Stratégie compare l’autonomie des collectivités locales françaises à celles de ses voisins européens. Verdict. L l’enseignement, la protection sociale et la santé sont peu décentralisés en France. Preuve, en matière de santé, le poids des dépenses locales ne dépasse pas 1 % ! Mais c’est un résultat que France stratégie invite, là encore, à relativiser. En Italie, explique l’organisme, les dépenses de santé « sont presque entièrement décentralisées », mais « l’État y conserve un pouvoir de décision plus élevé qu’aux Pays-Bas, où la décentralisation des dépenses est très faible ».
À l’inverse, pour ce qui est des investissements publics, les auteurs de la note observent que les administrations territoriales françaises en financent, cette fois, une part importante avec un peu de moins de 60 % de l’investissement total. Seules les fédérations d’État, telles que la Belgique, l’Espagne ou l’Allemagne, ont une part significativement supérieure. Autre constat : les administrations locales françaises portent une part relativement faible de la masse salariale publique et des prestations sociales. En effet, les charges de personnel des administrations publiques locales représentent 28 % de la masse salariale publique totale en France contre 43 % dans l’Union européenne et 40 % dans la zone euro. « Finalement, le poids relatif des dépenses publiques locales est un indicateur imparfait du degré de décentralisation puisque le payeur n’est pas toujours celui qui décide », fait remarquer François Ecalle. Et d’ajouter : « S’il existe donc bien une corrélation entre décentralisation des dépenses et pouvoir de décision, celle-ci est limitée. »
DES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES PLUS AUTONOMES
Et côté recettes fiscales qu’en est-il ? « La France est moins singulière, constate François Ecalle, puisque la part des recettes fiscales y est un peu plus forte que dans les autres pays et celle des transferts de l’État un peu plus faible. » Est-ce donc le signe d’une plus grande autonomie des administrations territoriales ? « Pas forcément, car le pouvoir réel des administrations territoriales sur ces recettes se révèle très variable. Ainsi, les transferts de l’État sont plus largement forfaitaires en France que dans les autres pays, où ils sont souvent fléchés vers des politiques particulières. À cet égard, les collectivités territoriales françaises seraient donc plus autonomes. S’agissant des recettes fiscales, elles semblent moins autonomes que dans les pays fédéraux, mais autant que dans les autres pays », explique France Stratégie.
En conclusion ? Si la mesure du degré de décentralisation pose des « difficultés méthodologiques », les auteurs de la note concluent que « si la décentralisation des dépenses publiques apparaît faible en France, les ressources des administrations territoriales leur confèrent une autonomie de gestion qui n’est pas inférieure à celle des autres pays européens ».
Danièle Licata
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