Secteur d’activité parmi les plus touchés par les restrictions liées au coronavirus, les professionnels du tourisme se préparent à des mois difficiles. C’est ce qui ressort de l’étude menée par le cabinet de conseil Roland Berger auprès des entreprises du secteur. À moins que l’aide d’urgence massive que vient de débloquer le gouverne- ment permette la sortie de crise.
Le coup d’arrêt brutal porté au secteur du tourisme et des loisirs se prolongera au-delà du déconfinement. Les professionnels le savent, la convalescence sera longue. Interrogés par le cabinet de conseil Roland Berger, ils tablent d’ores et déjà sur une chute de 40% de chiffre d’affaires en 2020 par rapport à l’année précédente. Le bilan s’annonce aussi très lourd en termes de profitabilité, avec un recul estimé à 64% de la profitabilité (EBITDA / EBE) selon les sondés. Mal- gré un impact considérable, l’hôtellerie de plein air (campings / groupes de campings dont l’activité est supérieure à 10 M€ de chiffre d’affaires) serait moins touchée (-40% de profitabilité) que le tour-operating, qui plonge (-79%).
Reste désormais à savoir à quoi ressemblera la reprise post-confinement. « Les professionnels privilégient majoritairement un scénario très prudent avec même pour bon nombre d’entre eux une activité atone qui pourrait durer », observe le cabinet Roland Berger. Mais après avoir débloqué une aide d’urgence de 6,2 milliards d’euros de prêts garantis par l’État pour les 62 000 entreprises de la filière (hôtels, restaurants et voyagistes), le gouvernement veut aller encore plus loin. Il s’agit de façon urgente d’accompagner la relance d’un secteur mis à terre par l’épidémie qui représente 7% du PIB français et deux millions d’emplois directs et indirects. Jeudi 14 mai, le chef du gouvernement, Édouard Phi- lippe, a dévoilé, un plan de relance massif du tourisme, représentant pour les finances publiques un engage- ment de 18 milliards d’euros.
« L’effort d’investissement » de l’État sera porté par La Banque des territoires et Bpifrance, « qui ont formalisé un plan de relance tourisme commun de plus de trois milliards d’euros de financements entre aujourd’hui et 2023 », sous forme de prêts et d’investisse- ment en fonds propres, selon les détails du plan. L’en- semble des mesures gouvernementales représente « un engagement de 18 milliards d’euros pour les finances publiques : c’est sans précédent, c’est massif, c’est nécessaire », a déclaré le Premier ministre. Parallèle- ment, deux revendications du secteur ont été en partie entendues : le recours à l’activité partielle sera possible jusqu’à fin 2020 pour les entreprises du tourisme et de l’événementiel, tandis que l’accès au fonds de solidarité, pour les entreprises du secteur des cafés-hôtels-restaurants, du tourisme, de l’événementiel, du sport et de la culture, sera prolongé jusqu’à fin septembre.
« Alors que les Français pourront sillonner la France en juillet et en août, le risque est qu’ils favorisent leur environnement local cet été », avertissent les professionnels. Sans compter, que la confiance des ménages sera, elle aussi, un élément déterminant de la reprise du secteur. Et l’on sait qu’elle est essentielle dans l’acte « d’achat » et donc de réservation. Aujourd’hui, les professionnels interrogés craignent que le budget consacré aux vacances d’été soit plus faible impliquant des vacances plus courtes et de préférence dans la fa- mille, alors que dans le même temps, le nombre de touristes étrangers en France devrait décroître de façon significative (71 % des professionnels interrogés tout à fait d’accord).
Reste également la capacité d’offre qui conditionnera le niveau d’activité des prochains mois. Et là encore, les acteurs interrogés pensent que la reprise sera suspendue à un recours généralisé à des mesures sanitaires (tests de dépistages massifs, mise en place d’équipements sanitaires...). Le gouvernement fixera-t-il des limites aux capacités d’accueil ?
Il demeure aussi probable que face à une demande plus faible, ou à des contraintes sur l’offre, certains opérateurs n’ouvrent pas la totalité de leurs capacités d’accueil, même pour la haute saison. « Ce qui occasionnera d’im- portantes pertes d’exploitation, les faibles revenus ne couvrant alors pas des coûts fixes », prévient le cabinet Roland Berger. Du coup, les professionnels interrogés anticipent même un impact qui aura lieu bien au-delà de 2020. « L’addition continuera d’être payée en 2021 et 2022, rapporte l’étude qui prédit une reconfiguration du paysage concurrentiel ». Et de poursuivre, « la crise va durablement changer les pratiques des professionnels, qui devront notamment s’adapter pour prendre en compte des considérations sanitaires et environne- mentales. Cette crise pourrait être un accélérateur du mouvement vers le local. » Et quoi qu’il en soit, « elle aura indéniablement un impact sur les modèles économiques des entreprises du tourisme et des loisirs, avertit l’étude ». Ainsi, 2/3 des entreprises pensent s’appuyer sur les enseignements de la crise pour réinventer leur produit, repenser leur architecture tarifaire (49%), voire nouer des partenariats avec des acteurs inédits (62%).
Emmanuel Legrand
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