Sous l’impulsion des pouvoirs publics, le prix des terrains a triplé en une décennie dans les zones tendues. Une densification qui coûte cher aux Français, selon François Rieussec, président de l’Union nationale des aménageurs. Rencontre.
RCL: Comment le foncier est-il devenu la bête noire des professionnels de la construction?
François Rieussec : « Charge foncière », c’est ainsi que les opérateurs définissent le plus souvent leur rapport au foncier. Et pour cause, en constante évolution, le prix des terrains représenterait entre 25 % et 40 % du prix de revient d’un bien final, voire jusqu’à 60 % dans cer- tains secteurs tendus. En cause, une décennie au cours de laquelle les prix des terrains ont triplé!
Comment expliquez-vous cette envolée ?
F.R.: Par deux phénomènes contradictoires: d’un côté, les pouvoirs publics encouragent la densification du foncier en zone « tendue » pour rentabiliser les transports urbains, provoquant une flambée des prix de l’immobilier dans les grandes métropoles; de l’autre, les mêmes pouvoirs publics s’engagent à lutter contre l’artificialisation des sols pour préserver la biodiversité et l’environnement. Finalement, on empêche les Français de
choisir leur lieu de vie.
Vous dites, finalement, que le foncier est aussi la bête noire des gouvernements...
F.R.: Sur le fond, la problématique du foncier est un casse-tête pour tous les gouvernements successifs qui se trouvent confrontés aux délicats arbitrages entre ministères : pour résoudre la crise du logement, il faut libérer le foncier pour faire baisser les prix, mais pour résoudre la crise environnementale, il faut réduire l’artificialisation des sols pour préserver la biodiversité et les terres agricoles ! Jusqu’à la loi Elan, le compromis politique semblait avoir été trouvé autour d’un encouragement à construire dans les zones tendues via des aides à la cession ciblées essentiellement sur les territoires à forte densité. Reste que les événements récents ont démontré que la France dite « détendue » ne l’était pas tant que ça et que le mécanisme d’aides à la cession était loin d’être performant. Car force est de constater que les prix de l’immobilier continuent de grimper !
Quelles sont les conséquences sur les prix de cette densification à grande échelle des centres urbains ?
F.R.: Construire la ville sur la ville engendre des coûts supplémentaires de démolition, voire de dépollution. Par ailleurs, la densification induit des coûts naturels pour des raisons tellement évidentes qu’elles ne sont jamais rappelées: une maison en rez-de-chaussée coûte moins cher qu’une maison à étage. En d’autres termes, la densité coûte cher. Si elle correspond au besoin de jeunes ménages ou de personnes âgées, elle ne répond en rien aux envies des familles qui continuent de plébisciter une forme d’habitat individuel avec jardin, qu’elles trouvent dans l’éloignement et la dispersion. Sauf que c’est la dispersion de ces 100000 maisons construites chaque année sans aménagement ni pensée de planification qui a mité notre pays. On en mesure aujourd’hui les coûts.
Alors, comment rectifier le tir?
F.R.: Il faut avoir le courage de promouvoir un urbanisme de transition, entre l’urbain et le rural, dans des bassins d’emplois décentralisés en villes moyennes. Car cet urbanisme d’opérations nouvelles promeut des amé- nagements cohérents avec des typologies de collectifs et d’individuels pour satisfaire les demandes de clientèles et de sociologies diversifiées, dans des quartiers nouveaux qui intègrent biodiversité et écomobilités au service de la santé des habitants.
Propos recueillis par Danièle Licata
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